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A travers l’Europe, les protectionnistes du secteur alimentaire sont de retour. Avec l’excuse du COVID-19, ils prétendent que la concurrence commerciale internationale est un problème pour les producteurs nationaux. Dans plusieurs législations européennes, on propose d’imposer des quotas de produits locaux aux commerçants, dans d’autres ce sont des ministres qui font des appels au “patriotisme alimentaire”. C’est dans ces moments qu’il convient de rappeler à quel degré ce gastro-nationalisme est problématique.

Dans un article pour l’AGEFI Luxembourg, j’avais analysé les origines du mercantilisme, connu de nos jours sous le nom de protectionnisme. Par cet article, on aurait pu croire que cette pensée politique est d’origine française, i et qu’elle a ensuit été exporté à l’Union européenne à travers des mesures des subventions et standardisation des produits. Cependant, il s’avère que les exemples de protectionnisme sont présents dans tous les pays, y compris dans le monde anglo-saxon.

Les lois sur le maïs (Corn Laws) étaient un parfait exemple de protectionnisme au 19e siècle : les grands propriétaires fonciers conservateurs de Westminster ont décidé que le Royaume-Uni devait taxer fortement les céréales provenant de l’étranger, dans le but d’avantager les producteurs locaux. 

Le résultat de cette politique commerciale semble aller de soi : alors que les producteurs britanniques en profitaient, le prix des céréales a explosé dans les années 1830. Dès que la concurrence a été neutralisée, les grands propriétaires terriens ont pu augmenter les prix, ce qui a surtout nui aux classes ouvrières. Le 31 janvier 1849, par une loi votée en 1846, les résultats catastrophiques des Corn Laws sont enfin reconnus. Ils seront abrogés et les taxes à l’importation disparurent.

Remplacer le mot “maïs” ou “Royaume-Uni” par tout autre produit ou pays ne fera pas de différence sur la réalité des principes économiques : le protectionnisme ne fonctionne pas, il appauvrit les consommateurs et en particulier les plus pauvres.

Dans un reportage pour RTL Radio Luxembourg, l’eurodéputé Charles Goerens expliquait que si nos voisins décidaient d’appliquer les solutions des gastro-nationalistes, notre industrie laitière devrait réduire sa production de trois-quarts, ce qui reviendraient à la fin de l’agriculture dans le Grand-Duché. Malheureusement, ce message ne semble pas impressionner nos voisins français. Le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a appelé les Français “au patriotisme alimentaire” même si “la tomate française coûte plus cher”, titre RTL Radio France. Le ministre ne mâche pas ses mots dans le reste de ses déclarations sur la chaîne radio :

“Il faut que nos concitoyens achètent français. Il faut développer notre agriculture si on veut de la souveraineté alimentaire, de la souveraineté agricole. Mais comme c’est un peu plus cher, nous devons travailler afin d’être plus concurrentiels. L’agriculture française doit être compétitive. Les prix payés aux producteurs doivent être plus forts que ce qu’ils ne sont aujourd’hui.”

Depuis mars, le gouvernement français est en pourparlers avec les supermarchés du pays pour l’achat de produits frais locaux. En conséquence, les plus grandes chaînes de distribution françaises, comme Carrefour et E.Leclerc, ont transféré la quasi-totalité de leurs approvisionnements vers les exploitations agricoles locales.

D’autres pays sont allés plus loin que la France.

Le gouvernement polonais a dénoncé 15 transformateurs nationaux pour avoir importé du lait d’autres pays de l’UE au lieu de l’acheter à des agriculteurs polonais.

“Le patriotisme économique de ces entreprises suscite des inquiétudes”, a déclaré le gouvernement dans une circulaire qui est restée en ligne, même après la suppression de la liste des usines laitières ayant utilisé du lait étranger au premier trimestre 2020.

L’opposition vient de Berlin. Avant la vidéoconférence des ministres de l’agriculture d’il y quelques semaines, Julia Klöckner, ministre de l’agriculture allemande, a déclaré que la crise du Coronavirus soulignait l’importance du marché unique, et que les pays de l’UE devaient s’abstenir de mettre en œuvre des politiques protectionnistes pour aider leurs économies à se redresser.

“Les chaînes d’approvisionnement transfrontalières et la libre circulation des marchandises sont essentielles pour garantir la sécurité de l’approvisionnement aux citoyens. Et c’est pourquoi je mets en garde contre le “nationalisme de consommation”. Ce n’est qu’une force supposée qui s’efface rapidement. Nous ne devons pas mettre en péril les réalisations du marché intérieur”, dit la déclaration.

Du côté de l’Union européenne, il est intéressant de constater  que le commissaire du marché intérieur, Monsieur Thierry Breton, semble déterminé à s’opposer à tout mouvement protectionniste (du moins en dehors du cadre protectionniste déjà établi par l’Union elle-même). 

Bruxelles a lancé une procédure judiciaire contre la Bulgarie, après que son gouvernement ait imposé de nouvelles mesures aux commerçants, les obligeant à favoriser et à promouvoir les produits alimentaires nationaux, tels que le lait, le poisson, la viande et les œufs frais, le miel, les fruits et les légumes. Les détaillants sont également censés acheter 90% de leur lait et de leurs produits laitiers aux producteurs nationaux.

En dehors des considérations économiques, ces décisions produisent des  injustices sociales évidentes vis-à-vis des commerçants spécialisés. Si par exemple la Belgique obligeait les commerces de détails  de respecter des quotas, comment les magasins de spécialité polonaise pourraient perdurer? 

Héritier du mercantilisme, ce nouveau “gastro-nationalisme” est une fiction nationaliste qui démontre l’illettrisme économique de ses défenseurs . Il est essentiel que les personnes souhaitant défendre le bien-être de la population et des travailleurs se mettent en avant et défendent  le libre-échange et fassent valoir leurs points de vue.


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