Christophe Hansen, commissaire désigné, devra concilier innovations environnementales, intérêts des agriculteurs et contraintes bureaucratiques pour préparer une nouvelle politique agricole commune d’ici 2027.
Les candidats à la prochaine Commission européenne passent actuellement par le long processus d’approbation au Parlement européen, au cours duquel ils doivent présenter leurs projets à la législature et convaincre les parlementaires de les approuver.
Sauf accident grave, les commissaires confirmés pour un mandat de cinq ans l’achèvent presque toujours, même si le gouvernement national qui les a proposés tombe entre-temps. Cela signifie que l’actuelle audition de confirmation est la seule véritable occasion pour les élus d’examiner les ambitions de ceux qui rédigeront les directives et les règlements de l’UE pour les années à venir.
Peu de questions relevant du portefeuille de la Commission européenne sont aussi controversées que l’agriculture. Il y a la plus grosse part du gâteau, la politique agricole commune (PAC).
Le commissaire sortant, Janusz Wojciechowski, était chargé d’obtenir l’accord final sur la PAC actuelle et de la faire entrer en vigueur, tandis que le commissaire qui l’a précédé, l’Irlandais Phil Hogan, était celui qui a présenté les propositions initiales sur cette PAC en 2018, avec tous les changements que cela a entraîné (convergence, paiement anticipé, éco-régimes, plans stratégiques, etc.).
Cette PAC doit expirer en 2027, l’objectif de l’Europe étant qu’une nouvelle PAC soit prête à être mise en oeuvre dès que possible après cette date.
La Commission européenne qui s’apprête à prendre le pouvoir – la deuxième sous la direction de la présidente Ursula von der Leyen – aura un mandat de cinq ans jusqu’à la fin de l’année 2029. Cela signifie que le nouvel homme fort de l’agriculture, Christophe Hansen, tentera essentiellement d’accomplir un travail que ses deux prédécesseurs se sont partagé : proposer des changements à la PAC, collaborer avec les autres institutions de l’UE et les Etats membres pour parvenir à un accord sur ces propositions et, enfin, mettre en oeuvre et appliquer la nouvelle PAC à partir de 2027 et jusqu’à la fin du mandat de la Commission actuelle.
Au cours des derniers mandats, les ambitions de Bruxelles étaient d’utiliser la redistribution des subventions – les paiements directs représentant les trois quarts du budget de la PAC – pour poursuivre des objectifs environnementaux.
Cette démarche s’inscrivait dans le droit fil d’autres directives, qu’il s’agisse de la réduction des pesticides, des règles en matière de déforestation ou de la restauration de la nature. Cependant, les principes sous-jacents de ces ambitions environnementales expliquent pourquoi les agriculteurs ont manifesté pendant de nombreux mois avant les élections européennes de juin, pourquoi les partis verts ont subi des pertes importantes et pourquoi le Parti populaire européen, le plus grand parti du Parlement européen et le foyer politique d’Ursula Von der Leyen et de Christophe Hansen, a décidé de s’appeler « le parti des agriculteurs » et s’est détourné des règles initialement « visionnaires » qu’il s’était lui-même fixées.
Christophe Hansen était le choix évident du gouvernement luxembourgeois et le candidat idéal pour la commission Von der Leyen. Toutefois, il doit se livrer à un exercice d’équilibre politique pour satisfaire tout le monde : poursuivre les améliorations environnementales, tout en allégeant les charges administratives pesant sur les agriculteurs, accroître le libre-échange sans mécontenter les secteurs agricoles clés d’Etats membres importants comme la France, et tout cela en réalisant que deux portefeuilles essentiels à la tâche – le commerce et la sécurité alimentaire – sont sous le contrôle de deux commissaires qui ont des agendas différents.
Il est possible d’associer l’innovation à un impact positif sur l’environnement. Qu’il s’agisse d’édition de gènes ou de produits de biocontrôle, nous connaissons les outils que nous pouvons utiliser pour améliorer l’efficacité tout en réduisant notre utilisation des ressources pour produire des aliments.
En fait, depuis le début des années 2000, l’agriculture mondiale utilise moins de terres tout en produisant plus de nourriture, ce qui en soi contredit l’idée écologiste selon laquelle nous avons besoin d’une décroissance. Les soi-disant « limites de la croissance » sont toujours surmontées par l’ingéniosité de l’esprit humain.
Mais l’ingéniosité de l’esprit humain doit aussi surmonter la bureaucratie de Bruxelles, qui traîne les pieds pour autoriser les cultures génétiquement modifiées et qui exige de longues procédures d’approbation pour les produits de biocontrôle.
Les agriculteurs sont des entrepreneurs et, malgré les vieux adages, ils ne sont pas réfractaires au changement, dans la mesure où ils voient que l’innovation conduit à de meilleurs rendements et à une moindre dépendance à l’égard des paiements directs.
Les hommes politiques évaluent le crédit politique qu’ils peuvent consacrer à leurs ambitions et cadrent les problèmes en conséquence, soit pour rester au pouvoir, soit pour obtenir des changements durables. Christophe Hansen est l’un et l’autre, ayant grandi dans une famille d’agriculteurs et ayant eu une vie professionnelle dominée par la politique. Il sera difficile d’être les deux à la fois à Bruxelles.
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