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Les populations d’insectes ne font pas l’objet de recherches suffisantes pour donner des indications sur leur disparition mondiale.

En 2006, un nombre considérable d’apiculteurs américains ont remarqué que des populations entières d’abeilles abandonnaient leurs colonies, laissant la reine avec un nombre insuffisant d’abeilles derrière elles pour recréer une ruche saine. Ce phénomène a été baptisé “Syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles”,dont la cause été attribuée à des organismes génétiquement modifiés (OGM). Cette suspicion n’ayant pas été prouvée scientifiquement, le blâme a été porté sur les néonoïdes (abréviation de néonicotinoïdes), une classe relativement nouvelle d’insecticides.

Des milliers d’articles et d’opinions ont été publiés à la suite de ce qu’on a appelé la “Beepocalypse” (apocalypse des abeilles). Conséquence ? L’interdiction de certaines néoniques en Europe. Aux États-Unis, les législateurs ont choisi de ne pas procéder à des interdictions complètes. En fin de compte, le déclin des colonies de 2006 a été jugé multifactoriel, il ne repose pas sur l’unique cause des insecticides, les virus étant également considérés comme un autre facteur de décès répandu. Par ailleurs, il est à noter que les populations d’abeilles sont en hausse en Amérique du Nord, en Europe et dans le monde depuis plus d’une décennie.

La majorité des publications médiatiques n’ont pas cherché à rectifier leur reportages sur le sujet, et par conséquent, l’opinion publique des consommateurs tend à penser que  la “Beepocalypse” est réelle.

On se croirait voyager dans le passé quand on  lit des titres comme “L’apocalypse est proche… pour les insectes” (Courrier international, 30 novembre 2018), “Disparition des insectes: homme en danger” (LCI, 18 février 2019), “L’inquiétante disparition des insectes” (France24, 20 février 2019), “Les insectes menacées par une extinction mondiale” (Le Soir, 11 février 2019), “Disparition massive des insectes: “L’ampleur est catastrophique” (RTBF, 12 février 2019).

La source principale de ces titres provient d’une étude intitulée “Worldwide decline of the entomofauna : A review of its drivers” par Francisco Sánchez-Bayo, de la School of Life & Environmental Sciences de l’Université de Sydney. Bayo prévoit un déclin en spirale de la population mondiale d’insectes, ce qui entraînera l’effondrement de l’écosystème tout entier. Il prétend qu’il s’agit d’une perte annuelle de 2,5% au cours des 25 à 30 dernières années. “C’est très rapide. Dans 10 ans, vous aurez un quart de moins, dans 50 ans, plus que la moitié et dans 100 ans, vous n’en aurez plus”, a déclaré Sánchez-Bayo au Guardian en février.

Le scientifique espagnol pense que les néonicotinoïdes et l’insecticide fipronil sont responsable. Il cible également l’intensification agricole, s’opposant aux champs dénudés et le traitement intensif avec des engrais et des pesticides.

La disparition de tous les insectes d’ici 2119 est une revendication audacieuse qui a conduit Clive Hambler et Peter Alan Henderson du Département de zoologie de l’Université d’Oxford à soumettre une critique intitulée “Challenges in Measuring Global Insect Decline” à Biological Conservation (la revue qui a publié l’étude Sánchez-Bayo), dans laquelle ils posent quelques questions fondamentales sur la méthodologie utilisée.

Étonnamment, la recherche de Sánchez-Bayo a passé en revue un total de 73 études, mais n’a ciblé que celles qui montraient un déclin de la population d’insectes. Les chercheurs d’Oxford accusent également cette étude de “fausses déclarations sur le manque de données pour les fourmis”.

Hambler et Henderson abordent également les “listes rouges” dans leur critique, à travers lesquelles Sánchez-Bayo revendique l’extinction d’espèces, alors qu’en fait, elles sont en train de disparaître au niveau régional. Ce phénomène peut se produire à cause des changements climatiques et fait que les insectes sont absents de la région et non pas disparus à l’échelle mondiale.

Il convient également de souligner que les estimations concernant le nombre exact d’espèces d’insectes varient entre 2 et 30 millions, ce qui rend au mieux douteuses les allégations concernant le déclin mondial des populations d’insectes sur la base de certaines espèces. De plus, il est très difficile d’évaluer le nombre d’insectes sauvages. L’indice est dans le nom, ils sont “sauvages” et donc, pas faciles à compter.

Plus frappant encore, l’étude Sánchez-Bayo a mal interprété la recherche sur laquelle elle a basé sa théorie. On remarque également que trois rois études dont il se sert pour prouver que les pesticides sont la seule cause du déclin des insectes, n’arrivent pas à cette conclusion.

Une chose est certaine : les populations d’insectes ne font pas l’objet de recherches suffisantes pour donner des indications sur leur disparition mondiale. Et oui, il faut du temps et des efforts pour lire le sujet avant de prendre des décisions ou même de légiférer en fonction de celui-ci. Les journalistes ont leur responsabilité en cette matière.

D’autant plus que l’erreur a été commise une fois auparavant.

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