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Plaquer un étiquetage préventif sur tous les produits que nous achetons nous aide-t-il vraiment à mieux connaitre leurs risques potentiels ? Ne risquons-nous pas de tomber dans l’écueil de la surprotection de l’individu ?

Afin de mieux protéger la santé humaine, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) appelle à un étiquetage plus complet sur certains produits – notamment l’alcool. Nombre de rapports encensent en effet l’effet positifs d’un étiquetage préventif dans une société où les risques liés à la consommation d’alcool ne sont pas universellement compris. En outre, inutile de le rappeler, l’Union européenne pénalise déjà l’accès aux produits alcoolisés : ils sont frappés de taxes d’accises, de TVA, de taxes spécifiques, font l’objet de prix de vente minimum, de restrictions de vente de temps et de lieu et leur consommation est interdite dans les lieux publics. Dans les pays scandinaves, la vente d’alcool est un monopole d’état, et les prix de vente sont si élevés que cela a un impact sur le tourisme.

L’alcool n’est pas la seule cible des activistes de la santé publique : les produits alimentaires gras et sucrés devraient également faire l’objet de restrictions de commercialisation et d’un étiquetage préventif d’après les régulateurs et ceux qui prétendent en savoir plus que les autres. En France, il est impossible de diffuser une publicité pour des chips sans préciser que les produits salés peuvent avoir un effet néfaste sur la santé – lu en vitesse, avec ces voix des clauses de responsabilité pharmaceutiques. « Attention à la marche », « fumer tue », « ne mangez as trop sucré et maintenez une activité physique régulière » : impossible de ne pas se demander à quel moment ces messages préventifs nous laisseront indifférents.

Les tenants de la santé publique s’empressent de citer certaines études confirmant l’efficacité de telle ou telle mise en garde – qu’elle soit texte ou dessin. Cela suppose néanmoins que les consommateurs consultent ces étiquettes – ce qui n’est pas évident – tout comme un médicament, qui pour fonctionner, doit être ingéré. Citons cette étude de 2018 qui s’intéresse à la proportion de consommateurs qui prêtent effectivement attention aux étiquetages sur les bouteilles d’alcool.

« L’oculométrie permet d’établir que 60% des personnes ayant pris part à l’étude ont effectivement regardé les mises en garde magasin sur des produits alcoolisés (…). La présente étude remet en question les pratiques dominantes qui sont utilisées pour étudier l’efficacité des étiquettes préventives sur les produits alcoolisés (principalement l’auto-évaluation). L’évaluation de l’efficacité des ces mises en garde ne peut s’appuyer sur la conscience du risque dès lors qu’elles ne sont pas consultées 100% du temps. »

Certains consommateurs ont acheté un de ces produits sans savoir ce que l’étiquette indiquait. Ce qui pose les questions : Comment est-ce possible ? Comment le public peut-il ignorer ces mises en garde ?

Le document de travail de l’OMS « Alcohol labelling A discussion document on policy options » (Etiquetage de l’alcool, un document de discussion sur les politiques existantes) souligne la nécessité d’un design efficace. Il note que « quatre éléments doivent être considérés lors de l’élaboration de d’un label de santé efficace, servant chacun une finalité propre : (i) un mot de signalement qui attire l’attention ; (ii) l’identification du problème ; (iii) l’exposé des conséquences en cas d’exposition ; et (iv) des instructions permettant de l’éviter. L’impact visuel peut être amélioré grâce au recours à un gros lettrage et des caractères gras, un contraste important, des couleurs, des contours et des pictogrammes. »

Mais de mauvais designs n’expliquent pas à eux seuls cette diminution de la prise de conscience. Prenons l’exemple des consignes de sécurité des vols aériens. Pour la plupart des passagers qui prennent l’avion plus de deux fois par semaine, elles passent totalement inaperçues. Aussi, une surenchère d’étiquetage préventif peut désensibiliser le public visé du fait du manque de nuance. Les messages « le café est susceptible d’avoir un effet néfaste sur la santé » et « la cigarette est susceptible d’avoir un effet néfaste sur la santé » n’établissent pas une hiérarchie dans l’importance du risque encouru. De fait, les deux messages lus en même temps semblent suggérer que ces deux produits sont tous deux aussi nocifs. Nous devrions prendre soin de ne pas trivialiser ces mises en garde : s’ils perdent leur impact sur les consommateurs, les messages liés à des risques importants risquent également d’être ignorés.

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