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La Suisse pourrait risquer une hausse dévastatrice des prix de l’énergie, que l’Allemagne a connue à la suite de sa sortie du nucléaire.

La prospérité de la Suisse est notamment due à son impressionnante capacité à produire, importer et fournir de l’énergie aux entreprises et aux ménages. Le pays possède le système électrique le plus propre parmi les 31 pays membres de l’Agence internationale de l’énergie, émettant la plus faible quantité de dioxyde de carbone pour chaque kilowatt produit. Malgré une population croissante, la Suisse a réussi à réduire ses émissions de carbone de 18,3% depuis 1990, tout en connaissant une croissance économique continue.

Une énergie peu coûteuse et suffisante est une condition sine qua non de la compétitivité industrielle et permet aux consommateurs de dépenser leur argent pour d’autres biens. L’indice semestriel « Country Index Family-owned Businesses » (en allemand) a attribué à la Suisse la quatrième place en matière de compétitivité énergétique en 2008, mais seulement la quinzième en 2022. Durant la même période, l’Allemagne a chuté de la 11e à la 18e place.

Cependant, le pays est confronté à des défis liés à l’impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur le marché suisse de l’énergie et aux exigences croissantes en matière de changement climatique. Pour faire face à ces problèmes, le gouvernement suisse prévoit d’adopter une stratégie énergétique visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Parmi les politiques incluses dans le plan figurent de fortes subventions pour les énergies renouvelables et la fermeture des centrales nucléaires. Une erreur déjà commise par l’Allemagne.

Sortie du nucléaire

Jusqu’à présent, la logique des autorités de régulation suisses s’est appuyée sur le modèle standard du monopole naturel, dans lequel un fournisseur unique fournit de l’électricité à un coût décroissant, une fois les frais initiaux d’installation des lignes électriques et de construction des groupes électrogènes payés. L’industrie suisse de l’énergie est très majoritairement (90%) détenue par l’Etat et présente des barrières élevées à l’entrée ainsi qu’un nombre important de consommateurs captifs, tout en bénéficiant d’importantes subventions.

Le résultat de la votation du 18 juin dernier ouvre la voie à une politique énergétique prescriptive imposant des échéances pour la neutralisation des émissions de carbone dans certains secteurs de l’économie.

L’ES 2050 (le plan de transition énergétique suisse) préconise une sortie progressive de l’énergie nucléaire au profit d’autres sources d’énergie neutres en carbone, sachant que l’énergie éolienne, solaire ou hydroélectrique ne peut, au mieux, que partiellement remplacer le nucléaire.

Les combustibles fossiles étrangers sont indispensables pour couvrir les besoins énergétiques de la Suisse. Le pays consomme au total environ 225 térawattheures d’énergie. Les dérivés du pétrole utilisés pour le transport et le chauffage représentent la plus grande part de la consommation finale totale, avec 95,81 térawattheures, soit 42% de la consommation totale. A titre de comparaison, le gaz ne représente que 33,97 térawattheures, soit 15% de la consommation totale. Depuis 2022, le gaz suisse est importé via des plateformes de l’UE.

Ces mêmes sources d’énergie jouent un rôle essentiel dans les transitions énergétiques. Selon les données de l’Etat, la Suisse est déjà passée d’un exportateur net d’électricité en été à un importateur net d’électricité en hiver tout au long de sa transition vers l’objectif ES 2050, avec des importations nettes de 5,7 milliards de kilowattheures aux premier et quatrième trimestres.

Production inefficace

Le gouvernement est même prêt à introduire des centrales à cycle combiné au gaz ou au pétrole (qui représentent actuellement 9% de la production d’énergie, mais qui devraient progresser à défaut d’autres options). Malgré les ambitions élevées d’« énergie propre » de l’ES 2050, au moins un rapport de l’AIE prévoit que la Suisse importera davantage de combustibles fossiles, et non moins, en raison de ses objectifs climatiques.

Ainsi, tout plan d’autosuffisance est d’emblée voué à l’échec. La production nationale de tous les besoins devrait combler l’important déficit énergétique de 95,81 térawattheures, ce qui coûterait aux consommateurs ordinaires des dizaines de milliards de francs suisses rien que pour produire de l’énergie inefficace et plus polluante plutôt que d’acheter à l’étranger une énergie plus abordable et de meilleure qualité. Le reste de l’énergie totale consommée provient de la production intérieure : 56,8% de la production nationale d’énergie électrique provient des 682 centrales hydroélectriques et des 220 barrages du pays (la Suisse détient la plus forte densité de barrages au monde), l’énergie nucléaire comptant pour 34%.

Il convient de rappeler que la consommation énergétique suisse est déjà découplée de la population et de la croissance économique, écartant l’idée que la croissance économique est intrinsèquement liée à plus de pollution (et réfutent les affirmations empiriques des partisans de la décroissance). Bien que la population du pays ait augmenté de 15% et que l’économie a connu une croissance du PIB de près de 32% mesurée en parité de pouvoir d’achat depuis 2000, les émissions totales de carbone de la Suisse ont diminué de 18,3% entre 1990 et 2020.

Toutefois, des complications à long terme ternissent ce résultat. D’une part, les exigences en matière de lutte contre le changement climatique n’ont fait que croître au fil du temps. Le gouvernement fédéral suisse avait déjà adopté des objectifs climatiques dans le cadre du protocole de Kyoto et des contributions déterminées au niveau national dans le cadre de l’accord de Paris, s’engageant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% d’ici 2020 et de 50% d’ici 2030, afin de revenir aux niveaux observés pour la dernière fois en 1990.

La Suisse doit se ressaisir et éviter la hausse dévastatrice des prix de l’énergie que l’Allemagne a connue à la suite de sa sortie du nucléaire.

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