Non, « l’effet passerelle » n’existe pas ! Souvent accusée par ses détracteurs de mener les jeunes vers le tabac, la vape a vu son image écornée. S’appuyant sur de nombreux rapports de la communauté scientifique, une association internationale et indépendante de consommateurs publie une étude très fouillée qui démontre l’absurdité de cette hypothèse.
« Le vapotage et le mythe de l’effet passerelle ». Tel est l’intitulé du rapport publié par le Consumer Choice Center (CCC). Cette association internationale de consommateurs s’est ainsi penchée sur cette théorie selon laquelle l’e-cigarette constituerait une porte d’entrée vers le tabagisme quotidien, en particulier chez les jeunes.
Une théorie tellement pratique pour réglementer la vape
« Il est urgent de revenir à une perspective scientifique et indépendante, sur laquelle pourront s’appuyer les gouvernants afin d’améliorer le bien-être des consommateurs », indiquent en préambule les rapporteurs de l’étude. Car cette « méfiance » vis-à-vis de la vape est souvent véhiculée sans le moindre fondement ni démonstration. C’est notamment le cas du récent rapport SCHEER, censé éclairer la Commission européenne. Celui-ci se contente d’affirmer qu’il y aurait « de fortes preuves que les cigarettes électroniques constituent une porte d’entrée vers le tabagisme chez les jeunes » … sans pour autant les présenter explicitement.
Pourtant, certains dirigeants s’appuient sur cette théorie pour réglementer le marché. Et prendre des décisions qui privent de nombreux adultes du « substitut nicotinique le plus efficace à ce jour, au moins 95 % moins dangereux que la cigarette », selon de nombreuses agences de santé comme Public Health England. On pense notamment à l’interdiction des e-liquides aromatisés dans certains États américains, à une perspective similaire aux Pays-Bas ou encore à l’interdiction totale de la vape en Inde ou aux Philippines.
Le réexamen de la TPD, qui doit être mené l’an prochain à la lumière du rapport SCHEER, risque aussi de suivre la même voie. Pour éclairer les débats, le Consumer Choice Center dresse la synthèse de toutes les études scientifiques autour de la vape et retient quatre raisons principales pour lesquelles l’effet passerelle n’existe pas. « L’e-cigarette est une porte de sortie du tabagisme, et non une porte d’entrée », indiquent-ils en conclusion.
En substance, il s’agit des points suivants :
- La nicotine n’est pas le problème, ce sont les toxines dans les cigarettes qui sont dangereuses.
- L’e-cigarette aide les adultes à arrêter de fumer.
- Le vapotage ne conduit pas au tabagisme chez les adolescents, d’après des études statistiques et scientifiques.
- L’interdiction des arômes ne résoudra pas le problème : elle ne fera que priver les vapoteurs du substitut tabagique le plus efficace à ce jour.
Une mauvaise interprétation du rôle de la nicotine
Le rapport s’ouvre par un rappel très important : « L’e-cigarette est apparue en ciblant les consommateurs de cigarettes conventionnelles avant tout, en particulier les plus gros fumeurs, afin de les aider à arrêter. » En clair, la vape ne s’adresse pas à ceux qui n’ont jamais fumé.
Comme l’a rappelé récemment l’Anses, les cigarettes classiques libèrent plus de 7 000 substances toxiques en brûlant. 69 d’entre elles sont potentiellement cancérogènes. « La dépendance des fumeurs est due à une combinaison de nicotine et des autres ingrédients de la fumée de tabac, soutenue par un comportement conditionné (le “rituel de fumer”), indiquent les rapporteurs. En l’absence de la fumée de tabac, le potentiel de dépendance à la nicotine est très faible, de sorte que la plupart des vapoteurs ressentent une pression beaucoup moins addictive que les fumeurs ».
En s’appuyant sur une étude du British National Health Service, le Consumer Choice Center rappelle ceci : « Si la nicotine correspond à la substance addictive des cigarettes, elle est plutôt sans danger. Tous les risques proviennent des milliers de substances chimiques de la fumée de tabac, dont un grand nombre sont toxiques. Les substituts nicotiniques sont utilisés depuis de très nombreuses années pour aider les gens à arrêter de fumer, et ce sont des traitements sans danger ».
Autrement dit, la nicotine n’étant pas un problème dans les substituts classiques, elle ne l’est pas non plus dans le vapotage. Ou alors des milliers d’individus seraient devenus accros aux patchs ou aux gommes à mâcher, ou les auraient adoptés sans expérience tabagique antérieure. En France aussi, on a observé cette méconnaissance des risques entre vapotage et nicotine, y compris parmi les médecins.
L’e-cigarette, un rempart efficace contre le tabagisme
Les rapports qui démontrent l’efficacité de la vape dans le sevrage tabagique s’accumulent depuis plusieurs années. L’étude du Consumer Choice Center reprend les principaux d’entre eux.
Il y a tout d’abord l’étude de l’US National Academies of Sciences, Engineering and Medicine, source pourtant utilisée par les pouvoirs publics américains. Elle démontre que le nombre de fumeurs n’a jamais été aussi faible, aux États-Unis, passant de 21 % de la population en 2005 à 14 % en 2018. Ces experts corrèlent directement cette baisse à l’apparition progressive de l’e-cigarette. Ils soulignent que « la prévalence tabagique s’est réduite de plus en plus rapidement, au fur et à mesure de la popularité du vapotage aux États-Unis ».
Les rapporteurs du CCC citent également l’étude du New England Journal of Medicine, dont nous nous sommes déjà faits l’écho. Il en ressort que le vapotage est deux fois plus efficace que les autres substituts nicotiniques. Enfin, ils reprennent les travaux d’Action on Smoking and Health, en Angleterre, qui montrent que « seul 0,3 % des non-fumeurs sont des vapoteurs en 2020, alors qu’ils étaient 0,8 % en 2019 ». Une baisse significative et un pourcentage très faible, qui montrent que le vapotage n’intéresse pas réellement ceux qui n’ont jamais fumé.
Pas d’effet passerelle observé chez les adolescents
C’est le principal argument des adeptes de la théorie de « l’effet passerelle » : la vape séduirait les adolescents n’ayant jamais fumé, au point de les rendre accro à la nicotine. Le rapport SCHEER indique ainsi qu’il existerait « de fortes preuves que les cigarettes électroniques constituent une porte d’entrée vers le tabagisme chez les jeunes ». C’est aussi le point de vue de Jerome Adams, le chirurgien général des États-Unis, qui qualifie « d’épidémie » la popularité de la vape auprès des adolescents. Sous-entendu : ce serait tous des fumeurs en puissance.
C’est d’autant plus étonnant que l’on retrouve essentiellement des études… qui démontrent le contraire. Le Consumer Choice Center cite ainsi les travaux de Colin Mendelsohn et Wayne Hall, publiés dans le Journal of Drug Policy. Ces recherches montrent qu’au moins 70 à 85 % des adolescents ont essayé la vape après avoir déjà commencé à fumer et que le vapotage régulier est très rare chez les adolescents. « Contrairement à l’hypothèse de l’effet passerelle, le vapotage apparaît comme un moyen de détourner les jeunes exposés à un risque élevé d’être accros à la cigarette classique », concluent les chercheurs.
Le rapport du CCC cite également les travaux du département de science comportementale de l’University College of London. Forts de la synthèse d’une quinzaine d’études, les chercheurs affirment que « l’effet passerelle chez les adolescents n’a pas été démontré ».
En réalité, le rapport SCHEER ou Jerome Adams s’appuieraient essentiellement sur l’étude du National Youth Tobacco Survey, conduite en 2019. Elle montre que 27,5 % des lycéens américains ont essayé au moins une fois la vape dans les 30 derniers jours. « Le problème avec ce chiffre, souligne le Consumer Choice Center, c’est qu’il met tous les consommateurs dans le même panier. Ce n’est clairement pas la même chose, entre quelqu’un qui a tiré une fois une bouffée sur l’e-cigarette d’un ami lors d’une soirée, et un utilisateur quotidien. Si l’on catégorise davantage les usages, on constate que seuls 2,1 % des adolescents non fumeurs utilisent fréquemment l’e-cigarette. En parallèle, les données d’Action on Smoking and Health montrent que le tabagisme chez les adolescents est plus bas que jamais. Les e-cigarettes sont bien moins attrayantes pour les adolescents qu’on veut le croire. »
L’interdiction des arômes ne résoudra pas le problème
Pour expliquer l’effet passerelle, ses adeptes mettent surtout en avant « l’attractivité » des e-liquides aromatisés. C’est d’ailleurs pour cette raison que plusieurs gouvernements les interdisent ou cherchent à les bannir.
L’étude du Consumer Choice Center cite, à l’inverse, le rapport Drug Strategy Household Survey, en Australie. Il montre que la majorité des adultes (54 %), et encore plus de jeunes adultes (72 %), essaient la vape par curiosité. La notion d’arômes ou de goût est finalement la moins souvent énoncée pour se mettre au vapotage.
Les rapporteurs évoquent aussi « l’effet profondément négatif sur la société » qu’aurait l’interdiction totale des e-liquides aromatisés. Ils rappellent que les deux tiers des vapoteurs actuels les plébiscitent, selon plusieurs études. Et ils citent l’étude de Yale montrant que de tels e-liquides sont « 2,3 fois plus efficaces que les e-liquides au goût tabac », dans l’arrêt du tabagisme. « Il est donc raisonnable de penser que les restrictions et les interdictions des e-liquides aromatisés vont fortement limiter l’efficacité du vapotage en tant qu’outil d’arrêt du tabac, et risquent de ramener les vapoteurs vers les cigarettes », concluent-ils.
En conclusion
Après cette synthèse d’études qui vient tordre le cou à la théorie de l’effet passerelle, les chercheurs indiquent que « les e-cigarettes sont avant tout une porte de sortie du tabagisme, et non une porte d’entrée […] Le discours antivape joue en faveur des décideurs politiques qui cherchent à « paterner » les consommateurs et à limiter leurs choix. Une telle approche est désastreuse et préjudiciable à la santé des fumeurs, pour qui le vapotage est devenu un vrai outil leur sauvant la vie ».
Ils rappellent que « cet outil » est donc censé s’adresser à des fumeurs désirant arrêter. Parmi les recommandations du rapport, ils préconisent ainsi l’interdiction de la vente aux mineurs ainsi que le maintien de tarifs abordables pour les adultes.
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