Bill Wirtz est l’analyste politique principal du Consumer Choice Center. Il se concentre spécifiquement sur l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes, sur les politiques agricoles et commerciales, ainsi que sur les choix de mode de vie. Originaire du Luxembourg, il publie en allemand, français et anglais. Il est apparu dans Fox News, Sky News, Le Monde, Times of London, Le Figaro, Die Welt, The Hill et d’autres grands médias du monde. Lors de son passage au Canada il y a quelques jours, il rencontrait l’éditeur de La Vie agricole, Yannick Patelli.
Pour Bill Wirtz, il est important de continuer de miser sur le libre-échange et la science, c’est probablement en ces termes que nous pouvons résumer sa pensée.
Lors de son passage à Ottawa il avait tenu, quelques jours avant que nous déjeunions à Montréal, une conférence devant des producteurs de grains du Canada. Sa présence à Ottawa lui a aussi permis, nous a-t-il dit, d’échanger avec certains fonctionnaires d’Agriculture Canada, auprès desquels il a soutenu l’importance à ses yeux de permettre la production via la technologie CRISPR.
CRISPR c’est quoi ?
CRISPR dont La Vie agricole vous a déjà parlé est une invention en 2012 de la technique de « ciseaux génétiques CRISPR-Cas9 » que l’on doit à deux chercheuses dont la Française Emmanuelle Charpentier. Il s’agit d’une avancée fondamentale dans le domaine de l’ingénierie génétique. Il faut imaginer des ciseaux moléculaires permettant de couper et de modifier l’ADN à des endroits précis du génome ce qui est une révolution dans plusieurs domaines comme la médecine, mais aussi l’agriculture.
Le Canada plus pragmatique
Si cette science est appliquée à la production agricole au Brésil et au Japon, ce n’est pas encore le cas au Canada et en Europe. Bill Wirtz perçoit le Canada comme plus ouvert et plus pragmatique que la France à la révolution génomique. Il a suggéré toutefois aux fonctionnaires rencontrés «d’être plus agressifs dans la mise en place de nouvelles politiques liées à la science», nous a-t-il confié.
Bill Wirtz s’étonne du retard dans l’intérêt pour la science dans plusieurs organisations. Il donne pour exemple un cas vécu à la Commission européenne qui a récemment produit un rapport sur IA (l’intelligence artificielle) dans lequel on retrouvait une page expliquant les opportunités et douze pages sur les risques liés à l’IA.
En ce sens, il considère l’Europe craintive face à la nouveauté, quelle qu’elle soit.
Des produits issus de CRISPR d’ici 2033
Mais Bill Wirtz reste confiant pour l’avenir, il faudra peut-être attendre la présidence du Danemark à la Commission européenne pour faire évoluer le dossier CRISPR dans quelques mois, mais, selon lui, « Le monde a besoin de cette étape. C’est la plus grande découverte du siècle. J’ai bon espoir que les consommateurs auront accès à des produits alimentaires provenant de la méthode CRISPR d’ici 2033», dit-il.
Il nous a expliqué que c’est pour lui la solution pour nourrir la planète à moindre coût : « Il n’est pas vrai, dit-il, que l’agriculture durable doit se faire à l’ancienne et que le consommateur doit toujours payer plus cher.»
« Il est étonnant que lorsqu’il s’agit de changements climatiques ou de vaccins on se réfère à la science et pas lorsqu’on aborde le sujet du glyphosate, des OGM ou de CRISPR. Les politiques suivent la science, mais de manière sélective», pense-t-il.
« Sait-on que depuis qu’on utilise des fongicides, il y a moins de cancers du pancréas, car cela tue les mycotoxines ? Et de toute manière, si on cultivait de la même manière qu’en 1960 cela nous prendrait l’équivalent de la totalité des terres de la Russie en plus sur terre pour produire ce qu’on produit», dit-il.
Sur les traités internationaux
Bill Wirtz croit encore à la mondialisation et aux bienfaits des traités internationaux. Quant au Mercosur il est d’avis qu’il est nécessaire qu’il se signe, ce que veulent d’ailleurs la présidente actuelle de la Commission européenne et l’Allemagne, leader en Europe.
Si la France recule actuellement c’est selon lui que politiquement affaibli le gouvernement français n’ose pas aller de l’avant d’autant que tous les partis politiques dans l’hexagone s’alignent actuellement sur la tendance populiste peu friande de la liberté économique.
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