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Ce n’est un secret pour personne : si vous avez besoin d’une opération chirurgicale au Canada, vous feriez mieux d’être prêt à attendre longtemps.

Le problème est-il une pénurie de médecins et d’infirmières ? Un sous-financement ? L’inefficacité administrative ? On a pratiquement rejeté la faute sur tout et sur tout le monde au fil des ans. Malgré des décennies de tentatives de réforme, les longs temps d’attente continuent de poser problème partout au pays.

Les listes d’attente interminables, la médecine de corridor et les fermetures de salles d’urgence sont une réalité pour la plupart des Canadiens et Canadiennes qui tentent d’avoir accès aux soins de santé. Peu importe la cause, nous connaissons le résultat : perte de revenu, douleur chronique et, dans certains cas, des décès évitables de patients.

Le Canada n’est pas le seul pays à être aux prises avec de tels problèmes. Certains pays européens ont également dû faire face à de longs temps d’attente. La différence est qu’ils ont pu résoudre le problème. Une partie de leur solution est venue de ce qu’on appelle la « directive transfrontalière ».

Cette politique permet aux patients européens de se faire soigner dans n’importe quel pays membre de l’Union européenne et d’obtenir un remboursement de leurs frais médicaux à un niveau équivalent à ce que leur plan national d’assurance maladie aurait couvert.

Comme la plupart des innovations politiques, cette directive est née d’une nécessité. Au début des années 2000, de nombreux citoyens britanniques se sont retrouvés aux prises avec de longues listes d’attente en santé.

Yvonne Watts, l’une de ces citoyennes, souffrait d’arthrite aux hanches. Incapable d’obtenir des soins en temps opportun au Royaume-Uni, elle a demandé en 2006 que son remplacement de la hanche soit couvert dans un autre pays de l’Union européenne. On le lui a refusé.

Décidant de prendre l’affaire en main, Mme Watts s’est fait opérer en France à ses frais, payant l’équivalent de 10 673 $ en dollars canadiens d’aujourd’hui. Mme Watts n’a jamais été remboursée pour le coût de son opération, mais elle a ouvert la voie à la directive européenne sur les soins de santé transfrontières.

Aujourd’hui, les patients qui se trouvent dans une situation comme la sienne peuvent décider de subir une intervention non urgente dans un autre pays, lorsque les temps d’attente nationaux sont trop longs. Grâce à la directive transfrontalière, plus de 450 000 patients européens ont pu bénéficier d’un traitement dans un autre pays d’Europe en 2022.

En plus de réduire les temps d’attente, l’implantation de cette politique a eu un autre effet remarquable : elle contribue à réduire le coût des maladies, tant pour les patients qui en souffrent que pour l’État qui paie la facture du traitement.

En effet, plus on attend avant de régler un problème de santé, plus le traitement coûtera cher, en raison d’un risque accru de complications. Plus cela prend de temps, plus il est probable que son intervention devra être plus invasive (et donc plus risquée) et qu’elle nécessitera plus de ressources.

Mais l’effet sur les dépenses n’est pas le seul dont il faut tenir compte. Les questions de santé peuvent également avoir un effet négatif sur les recettes publiques.

Bien que les traitements « électifs » ne soient pas considérés comme « urgents », les maux qu’ils espèrent traiter peuvent tout de même avoir un effet sur nos vies. Par exemple, certains de ceux qui languissent sur les listes d’attente ne peuvent pas travailler ou doivent réduire leur charge de travail en raison de la douleur qu’ils éprouvent. Certains ont même droit à une indemnisation pour les accidents du travail.

Même en considérant seulement l’aspect des revenus, il est dans l’intérêt de l’État de s’assurer que ces travailleurs reçoivent le traitement dont ils ont besoin pour qu’ils puissent recommencer à payer des impôts. Les laisser obtenir les soins médicaux nécessaires à l’extérieur de la province ou du pays — au même prix que le système paierait au pays — devrait être une évidence.

N’oublions pas combien de Canadiens et Canadiennes ne peuvent pas obtenir le traitement dont ils ont besoin dans les délais recommandés.

En 2019, 30 % des patients ayant besoin d’un implant du genou n’ont pas pu le recevoir dans le délai recommandé de 26 semaines. En 2023, ce chiffre était passé à 41 %. De même, la proportion de patients ayant besoin de prothèses de hanche qui ne pouvaient pas les obtenir dans les délais prescrits par la loi est passée de 25 % à 34 % au cours de la même période.

La couverture publique des soins transfrontaliers contribuerait à ramener ces chiffres plus près de zéro et à résorber l’important arriéré chirurgical. Cela permettrait au Canada de mieux répondre aux besoins des patients et d’avoir des systèmes de santé plus efficaces.

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