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Comme beaucoup de personnes durant cette pandémie, je suis devenu un peu un accro au streaming. J’ai pu ainsi rattraper le “retard” que j’avais soi-disant accumulé concernant ma connaissance de la culture populaire. Désormais, je suis abonné à trois services à la fois. Je regarde des films et des émissions de télévision populaires des États-Unis et des productions locales de niche enfouies dans les coins sombres de Netflix. 

Sur ces plateformes, la sélection du contenu est primordiale. L’algorithme m’alimente en émissions correspondantes à mes goûts supposés et la barre de recherche m’aide à identifier les titres qui correspondent le mieux à ce que je recherche.

Bien que je sois satisfait, certains régulateurs sont mécontents de la quantité de contenu local sur ces plateformes. “Afin d’accroître la diversité culturelle et de promouvoir le contenu européen, la nouvelle législation propose que 30 % du contenu des chaînes de télévision et des plateformes de streaming soit européen”, indique un communiqué de presse du Parlement européen datant de 2018. Mais cette politique de”l’Europe d’abord” imposée sur des plateformes comme Spotify ou Netflix est problématique pour plusieurs raisons.

D’une part, le législateur intervient dans la liberté des sociétés de radiodiffusion de choisir leur propre contenu. Actuellement, elles choisissent le contenu qu’elles jugent le plus intéressant et le plus utile pour leur clientèle. Il est difficile d’imaginer que les services de streaming ne trouvent un intérêt à produire du contenu local, étant donné qu’ils sont en concurrence avec les diffuseurs de télévision qui s’adressent déjà à ce marché. En outre, qualifier ces quotas de “soutien” au secteur culturel est une erreur, car il est peu probable qu’ils soutiennent réellement les productions locales.

Prenons le cas de Netflix. Les utilisateurs américains ont accès à 100 % des titres Netflix, ce qui est intuitivement logique. Cependant, les abonnés européens de Netflix sont lésés par un mélange de règles de droit d’auteur qui permettent le géoblocage et les quotas de contenu. De tous les États membres de l’UE, c’est la Lituanie qui a accès à la plus grande partie des titres, soit 52 %. Avec seulement 11 %, c’est le Portugal qui offre la pire expérience aux abonnés. L’idée selon laquelle les quotas de contenu stimuleront automatiquement la production cinématographique locale est utopique. Il est tout aussi probable que les services de streaming réduisent simplement le nombre total de titres disponibles pour atteindre le quota sans avoir à dépenser de fonds supplémentaires.

Sur le plan politique, cette initiative est profondément contraire aux valeurs européennes. Ces quotas – qui existent également au niveau national – ont été introduits et amenés par les partis politiques traditionnels. Pourtant, il ne serait guère controversé d’affirmer que si Marine Le Pen les avait suggérés, avec des drapeaux français en arrière-plan, nous aurions une opinion très différente de cette politique. Elle serait qualifiée de nationaliste, à juste titre.

Pour une raison quelconque, les législateurs européens échappent à ce jugement parce qu’il est maintenant exécuté à l’échelle du continent. Mais sur quelle base pourrait-on soutenir que la consommation d’un contenu audiovisuel européen est préférable à un film d’Afrique du Sud ou à une chanson de Malaisie ? Est-ce là le soutien à la diversité culturelle, de l’accès à l’audiovisuel pour nos communautés d’expatriés et de l’aide aux créateurs de contenu dans les pays en développement ?

Oui, les États-Unis dominent effectivement les marchés du streaming avec leurs films et leur musique. La question est de savoir si nous – ou tout autre pays d’ailleurs – avons raison de croire que la relance de notre secteur culturel passe par l’obligation légale pour les diffuseurs de privilégier nos contenus. L’UE est la région de consommation la plus importante de la planète ; il devrait donc être plus facile pour nos fournisseurs de contenu de satisfaire les besoins en musique et en films locaux.

Mais le principal problème est que cette législation européenne provoque, comme bien souvent,  une réaction en chaîne, influençant d’autres pays. Le Mexique débat actuellement de nouvelles règles qui imposerait un quota de contenu national de 15% (“contenu ou vidéo généré par un individu ou une société dont la majorité du financement est d’origine mexicaine”). Toutefois, cette initiative ne tient pas compte du fait mentionné plus haut, à savoir que l’UE est la plus grande région de consommation au monde.

Les synergies obtenues d’un bloc économique de la taille de l’UE ne sont pas les mêmes que celles d’un marché national individuel. Et même si le règlement de l’UE permet à la production de plus de 40 pays d’être prise en compte pour le quota, la réaction en chaîne amplifie les effets insidieux de la législation plutôt que de promouvoir les prétendus avantages culturels. Finalement, les consommateurs se retrouvent avec moins de diversité de contenus, car les producteurs réduisent leurs catalogues uniquement pour se conformer au règlement.

Les quotas de contenu réduisent l’expérience de streaming des consommateurs, ils discriminent injustement les productions étrangères et ils n’atteignent pas les objectifs qu’ils étaient censés atteindre. Si nous étions habilités à noter les politiques publiques sur une plateforme équivalente à IMDb, cette réglementation obtiendrait un 0/10.

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