Le BREXIT une chance pour la science britannique ?

Science: Avec la victoire triomphale de Boris Johnson, le Royaume-Uni se dirige irrémédiablement vers une sortie de l’Union européenne. Alors que certains scientifiques britanniques semblent catastrophés, d’autres y voient une opportunité pour plus de liberté.

Scientists for EU est une association militante de scientifiques britanniques fondĂ©e en 2015 par Mike Galsworthy (1) et Rob Davidson dans l’optique de faire campagne pour maintenir le Royaume-Uni dans l’UE. Sur leur site internet (2), ils n’hĂ©sitent pas Ă  annoncer la couleur : « La science est vitale pour l’économie et la qualitĂ© de vie du Royaume-Uni. La science est Ă©galement au cĹ“ur des dĂ©fis sociaux mondiaux auxquels nous sommes tous confrontĂ©s. Nous pensons que nous pouvons faire beaucoup plus de bien pour le Royaume-Uni et le monde au sein de l’UE. Â»

MalgrĂ© la victoire du camp des brexiters, ils continuent de faire campagne et n’ont d’ailleurs pas perdu espoir dans leur cause. Ainsi, sur leur page Facebook, on trouve un mème moquant le Premier ministre Boris Johnson essayant de faire rentrer une « cheville carrĂ©e dans un trou de forme ronde Â» symbolisant ainsi sa tentative de rĂ©aliser le Brexit.

Dans la lettre (3) qu’ils avaient publiĂ©e dans le Times de 2015, on pouvait lire « Il n’est pas suffisamment connu du public, que l’UE est un trĂ©sor pour la science et l’innovation du Royaume-Uni. La libertĂ© de mouvement pour le talent et les ambitieux programmes de financement pour la recherche qui soutiennent la collaboration internationale, mettent le Royaume-Uni dans une position de leader mondial. Ceci a des consĂ©quences sur l’éducation, la formation, les petites entreprises innovantes et le futur de notre Ă©conomie Â». La lettre insiste Ă©galement sur l’expĂ©rience positive qui dĂ©coule de la collaboration Ă©troite avec la communautĂ© scientifique de l’UE. En consĂ©quence , les signataires renouvellent leur soutien Ă  l’Union, sa direction scientifique et son adhĂ©sion Ă  l’UE… On trouve des signataires prestigieux comme l’astronome Lord Rees of Ludlow, Tom Blundell, prĂ©sident du Science Council et co-fondateur d’Astex Therapeutics, Sir Paul Nurse, prix Nobel de physiologie et mĂ©decine et Andrea Taroni, Ă©diteur en chef de Nature Physics… pour n’en citer que quelques-uns. HĂ©las, il ne semble pas que cette initiative ait Ă©tĂ© entendue des Britanniques ; une question se pose alors sur les consĂ©quences pour la science britannique du Brexit Ă  venir et Ă©galement pour la science UE.

UN FINANCEMENT PERDANT ?

Au dĂ©but de l’annĂ©e 2019, Paul Nurse, un prix Nobel de gĂ©nĂ©tique, a soutenu que le Brexit serait un dĂ©sastre pour la science britannique (4). Qu’en est-il ? Sur Brexit Myths, un site qui passe en revue les arguments pour et contre le Brexit, on trouve une analyse d’une tribune du Guardian de Matthew Freeman, membre de Scientists for EU, qui affirme que le Royaume-Uni ne peut pas se permettre de perdre la rĂ©serve d’argent que reprĂ©sente le financement scientifique de l’UE. La thèse de Freeman Ă©tant que l’UE « paie directement une grande partie de la recherche et de l’innovation au Royaume-Uni ; et parce que la science en Grande-Bretagne est performante, il y a un gain financier et scientifique net. » (5) D’après lui, le Royaume-Uni percevrait davantage qu’il contribuerait. Les auteurs du blog remarquent alors que ces sommes Ă©voquĂ©es sont insignifiantes par rapport au fait que les Britanniques font partie des plus gros contributeurs au budget de l’UE avec 11,3 milliards de livres et que pour de tels montants le pays pourrait mieux lui-mĂŞme servir ses propres scientifiques (6).

On conçoit que la question du financement de la recherche reprĂ©sente aujourd’hui un enjeu stratĂ©gique. Surtout pour ce qui concerne les projets qui nĂ©cessitent des efforts colossaux et oĂą les pays pris individuellement n’ont pas les budgets disponibles. On pense notamment Ă  la recherche spatiale, Ă  l’IA ou encore Ă  la recherche militaire dont les budgets rĂ©cemment ont battu des records. La question se pose Ă©galement du devenir de la participation britannique Ă  Horizon Europe, le plan censĂ© prendre la suite d’Horizon 2020, et pour lequel l’UE prĂ©voit d’engager 100 milliards d’euros pour la R&D. Une solution Ă©voquĂ©e prĂ©voit que les britanniques deviennent partenaires d’Horizon Europe, mais cela n’est pas garanti. Et il est Ă©galement envisagĂ© que le gouvernement britannique finance lui-mĂŞme une transition. Notamment pour les chercheurs dont les travaux Ă  ce jour dĂ©pendent de fonds europĂ©ens. Aussi, si le partenariat avec Horizon Europe n’était pas concrĂ©tisĂ©, un rapport (7) prĂ©voit la mise en place d’un programme phare (flagship) de bourses de recherche semblable Ă  celui du Conseil EuropĂ©en de Recherche, reconnu comme efficace. Reid, un des auteurs du rapport, affirme que la version britannique proposerait « des subventions plus importantes, une durĂ©e plus longue et une supervision par les pairs plus rigoureuse Â». Une autre idĂ©e suggĂ©rĂ©e consisterait Ă  attirer des chercheurs du monde entier.

On le voit, la question du financement trouble la communautĂ© scientifique britannique, jusque sur la page d’accueil du site de l’incontournable Royal Society : « La Royal Society s’efforce d’obtenir les meilleurs rĂ©sultats pour la recherche et l’innovation au travers des nĂ©gociations sur le Brexit et de soutenir les relations continues et d’en crĂ©er de nouvelles en Europe et au-delĂ . Â» (8)

DES SCIENTIFIQUES LIBÉRÉS DE LEUR CARCAN ?

Et pourtant, les scientifiques britanniques ne sont pas tous des « remainers Â». Certains d’entre eux vont mĂŞme jusqu’à se rĂ©jouir de la situation. C’est le cas de Matt Ridley, auteur scientifique Ă  succès, par exemple, qui vient d’intituler une de ses chroniques pour le Times, « L’aversion absurde de l’UE pour le risque Ă©touffe de nouvelles idĂ©es Â» (9). Après avoir affirmĂ© qu’une rĂ©gulation excessive avait pour consĂ©quence de supprimer les avantages qu’apportaient les nouvelles technologies pour la santĂ© et l’environnement et les politiques protectionnistes, il compare la rĂ©glementation de l’UE et celle de l’Organisation Mondiale du Commerce.
Selon lui, le problème de l’Union est qu’elle se base sur le « danger Â», alors que celle de l’OMC considère le risque global prĂ©sentĂ© par un produit (10) . En raison de ce distinguo, certaines autorisations sont plus difficiles Ă  obtenir. Tout ceci Ă©tant la consĂ©quence de l’adoption d’une version forte du principe de prĂ©caution Ă  la suite du traitĂ© de Lisbonne. Selon lui, ceci a pour consĂ©quence de crĂ©er d’énormes diffĂ©rences avec les standards scientifiques mondialement acceptĂ©s et crĂ©er des obstacles Ă  l’innovation : « de manière assez ironique, l’application du principe de prĂ©caution rendra impossible le dĂ©veloppement de certaines technologies qui peuvent amĂ©liorer la santĂ© humaine, l’environnement et promouvoir la biodiversitĂ©. Â» Le chroniqueur Ă©voque le cas de l’agriculture europĂ©enne, par exemple, oĂą on veut interdire le glyphosate et faire la promotion d’agriculture bio qui emploie des pesticides plus nocifs pour l’environnement. De mĂŞme l’UE a une rĂ©glementation des plus strictes sur les OGM elle l’a transposĂ©e rĂ©cemment aux organismes obtenus par CRISPR.

On comprendra alors que la rĂ©glementation UE pĂ©nalise la recherche et le dĂ©veloppement de solutions technologiques au sein des Ă©tats membres. Nous nous Ă©tions interrogĂ©s, il y a peu de temps, sur le fait que l’UE exporte les peurs et doive importer les bĂ©nĂ©fices du progrès . Du coup on peut imaginer qu’en quittant ce « corset Â» les scientifiques britanniques vont pouvoir retrouver une libertĂ© perdue et rejoindre la compĂ©tition de la scène scientifique mondiale. Ainsi, comme le remarque Maria Chaplia du Consumer Choice Center, « si le Royaume-Uni choisit de s’éloigner de ces rĂ©glementations typiques de l’UE Ă  la suite du Brexit, il pourrait devenir une puissance biotechnologique mondiale tournĂ©e vers l’avenir (…). L’approbation de cultures GM rĂ©sistantes aux ravageurs, par exemple, pourrait Ă©conomiser environ 60 millions de livres sterling (79 $ millions) par an d’utilisation de pesticides au Royaume-Uni. Â» (11) Ce qui permettrait un gain considĂ©rable pour le consommateur britannique. On peut imaginer que cela peut s’appliquer Ă  bon nombre d’innovations.

La science britannique sortira-t-elle grandie du Brexit ? L’avenir le dira. En attendant, les scientifiques britanniques qui voudraient continuer d’échanger sur la politique scientifique et témoigner de leur expérience restent toujours les bienvenus sur European Scientist.

Originally published here.


The Consumer Choice Center is the consumer advocacy group supporting lifestyle freedom, innovation, privacy, science, and consumer choice. The main policy areas we focus on are digital, mobility, lifestyle & consumer goods, and health & science.

The CCC represents consumers in over 100 countries across the globe. We closely monitor regulatory trends in Ottawa, Washington, Brussels, Geneva and other hotspots of regulation and inform and activate consumers to fight for #ConsumerChoice. Learn more at 
consumerchoicecenter.org


(1) https://en.wikipedia.org/wiki/Mike_Galsworthy
(2) http://www.scientistsforeu.uk/about
(3) https://twitter.com/Scientists4EU/status/601811591802269696/photo/1
(4)  https://www.nature.com/articles/d41586-019-00694-w
(5)  The EU “directly pays for much UK research and innovation; and because Britain is scientifically outstanding, there is a net financial as well as scientific gain.”, in https://www.theguardian.com/higher-education-network/2015/may/13/eu-science-funding-the-uk-cannot-afford-to-lose-out-on-this-pot-of-money
(6) The sums involved in Professor Freeman’s science grants pale into insignificance against this figure, from which a substantial quantity of money could be taken to fund British science after Brexit. https://brexitmyths.wordpress.com/2015/05/29/brexit-myth-britain-cannot-afford-to-lose-eu-science-funding/
(7) https://www.nature.com/articles/d41586-019-03444-0
(8) https://royalsociety.org/topics-policy/projects/brexit-uk-science/
(9) https://www.thetimes.co.uk/article/the-eus-absurd-risk-aversion-stifles-new-ideas-z7wffs0bc
(10) Â« The problem is that the EU, unlike the rest of the world, bases its regulations on “hazard”, the possibility that a chemical could conceivably cause, say, cancer, even if only at impossibly high doses. WTO rules by contrast require a full “risk” analysis that takes into account likely exposure. Coffee, apples, pears, lettuce, bread and many other common foods that are part of a healthy diet contain entirely natural molecules that at high enough doses would be carcinogenic. Alcohol, for instance, is a known carcinogen at very high doses, though perfectly safe in moderation. The absurdity of the EU approach can be seen in the fact that if wine were sprayed on vineyards as a pesticide, it would have to be banned under a hazard-based approach. Â», ibid.
(11) https://geneticliteracyproject.org/2019/12/11/viewpoint-conservatives-say-uk-could-break-from-outdated-eu-gmo-crispr-regulations-if-they-sweep-brexit-election/

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