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Atlantico : L’Allemagne s’était félicitée en 2020 d’avoir atteint son objectif de réduction de 40% de ses émissions par rapport à 1990. Mais elle va connaître cette année une hausse record de ses émissions de gaz à effet de serre, de +6,3, selon l’ONG allemande Agora Energiewende, ce qui va la faire repasser sous cet objectif. Comment expliquer cette forte hausse ?

Bill Wirtz : Elle est évidemment due à la sortie du nucléaire, débutée en 2011 après l’incident de Fukushima qui a rendu l’idée du nucléaire non-viable en Allemagne. Les organisations écologistes ont milité contre l’énergie nucléaire, ce qui a entraîné la fermeture de plusieurs centrales depuis cette date. Mais une révolution si rapide du système énergétique entraîne un besoin d’énergies de substitution, surtout lorsque vous êtes un pays aussi industriel que l’Allemagne. On a vu une augmentation de gaz et de charbon, qui produisent plus de CO2. La sortie du nucléaire est donc la principale responsable de cet état de fait. Il suffit de comparer l’intensité carbone de la France et de l’Allemagne pour voir la différence. Quand vous êtes l’Allemagne et que vous décidez de sortir du nucléaire, vous vous retrouvez avec une augmentation des émissions de CO2, une électricité parmi la plus chère d’Europe, et vous vous rendez dépendants de pays comme la Russie ou l’Azerbaïdjan pour votre approvisionnement en gaz, surtout en hiver.

La France a un énorme avantage grâce au nucléaire. Elle a choisi la bonne voie dans le passé et on voit aujourd’hui l’efficacité de ce choix en comparant les bilans des deux pays en termes d’émissions.

Concernant la hausse enregistrée cette année, elle est due en partie au fait qu’en 2020, pendant plusieurs mois, les personnes ont cessé de se déplacer. Mais ce n’est pas la seule raison. La dépendance de l’Allemagne à l’énergie éolienne entraîne, logiquement, une dépendance à la météo. Si 2020 et 2021 ne sont pas des années avec beaucoup de vent, vous avez un problème… Idem pour le solaire : le printemps a été favorable en 2020, beaucoup plus qu’en 2021. La performance n’est donc pas la même, ce que montre le rapport d’Agora Energiewende. La sûreté en termes de production n’est pas la même avec les énergies renouvelables.

Il est plus difficile de connaître l’influence de l’industrie. Si vous construisez une nouvelle usine dans une région, le besoin énergétique incitera peut-être la commune à relancer une centrale à charbon. L’Allemagne étant très régionalisée, la vision des Landers sur ce point peut varier.

On sait que l’Allemagne fait tout pour exclure le nucléaire du Green Deal Européen. La neutralité carbone est-elle atteignable d’ici 2045 sans cette énergie ? 

Les écologistes nous disent qu’il faut lire les rapports du GIEC. Or, ces rapports nous disent très clairement que le nucléaire fait partie des réponses à l’urgence climatique, et qu’il faut même une augmentation de la part du nucléaire. Donc, exclure cette énergie n’est pas possible. D’autant qu’une partie des modèles du GIEC est définie à partir des consommations actuelles. Mais si Bruxelles nous dit qu’il faut basculer tous les transports sur l’électricité, que tout le monde doit rouler en voiture électrique, nous aurons besoin d’encore plus d’électricité. Cela n’est pas faisable avec des éoliennes, d’autant que les éoliennes ne sont pas rentables sans subventions étatiques.

La décision allemande d’exclure le nucléaire est purement politique et n’a rien à voir avec la science. Ceux qui prêchent la science devraient nous dire, non seulement de miser sur le nucléaire, mais aussi de miser sur la recherche, pour penser non pas aux vingt ans à venir, mais aux deux siècles prochains. La France a une énorme responsabilité. C’est un pays d’innovation qui a souvent misé sur les bonnes innovations du futur, et qui a aujourd’hui une responsabilité – vis-à-vis d’une Allemagne rétrograde sur l’innovation – de dire qu’elle va miser sur l’énergie du futur ; pas à l’horizon 2030 mais à l’horizon 2100 ou 2200. La France a fait les bons choix énergétiques au vingtième siècle, elle devrait faire les bons au vingt-et-unième siècle.

Quel pied de nez. C’est le traité de Lisbonne qui va empêcher la Commission européenne d’appliquer son propre pack écolo, plus vert que vert 

Le rapport, qui se base sur le premier semestre 2021, montre une augmentation significative de la consommation de combustibles fossiles dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie et des transports. Si cette hausse se confirme, le gouvernement allemand sera tenu par la loi d’introduire des mesures urgentes pour y répondre. Quelles pourraient-elles être ? 

La majorité des citoyens ne suivent pas l’actualité de l’Union européenne, mais celle de leur pays. De temps en temps, les politiciens nationaux recyclent donc des politiques européennes. L’UE a décidé, d’ici 2035, d’arrêter l’énergie fossile pour les transports et de tout miser sur l’électrique. Je pense que l’Allemagne va donc annoncer l’arrêt de l’énergie fossile pour les transports, alors que c’est une décision déjà prise au niveau européen. Les Allemands vont sans doute faire des annonces déjà prévues, doubler les promesses sur les réductions de CO2, et le prochain gouvernement expliquera qu’il n’a pas réussi à les atteindre et fera de nouvelles promesses.

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