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Nous n'avons pas besoin de plus de tarifs

Dans le sillage de la crise du COVID-19, nous entendons de plus en plus d'appels à une politique économique protectionniste. Cependant, cette politique est en faillite intellectuelle depuis des siècles et nuit au bien-être des consommateurs.

Au niveau politique, le COVID-19 nous a montré une chose : les positions politiques sont très bloquées. Tous les partis politiques se sentent confirmés dans leur vision du monde avant cette crise. Les socialistes disent que cette crise fait en sorte que la sécurité sociale n'est pas assez développée. Pour les nationalistes, c'est la mondialisation et l'ouverture des frontières qui ont provoqué cette pandémie. Les fédéralistes européens estiment que la crise du COVID-19 démontre l'importance de la prise de décision centralisée dans l'Union européenne. Enfin, les écologistes constatent que la baisse drastique de la production permet une société plus propre et qu'il est possible de vivre avec beaucoup moins.

Comme tous ces groupes, les protectionnistes jouent leur propre jeu politique et disent que nous avons besoin de plus de droits de douane et que nous devons « ramener la production » en Europe. 

Ils se plaignent de la dépendance de l'Europe vis-à-vis de pays comme la Chine ou l'Inde et que cette crise a montré l'intérêt de rapatrier des industries qu'ils considèrent plus « essentielles » que d'autres. Les idées protectionnistes ont la particularité d'être représentées aussi bien à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite et même au centre de l'échiquier politique. Il s'avère que le protectionnisme est ancré dans notre mentalité politique depuis des siècles.

Le colbertisme semble éternel

Jean-Baptiste Colbert, ministre des Finances sous Louis XIV, se lance dans une avalanche de monopoles d'octroi, de subventions de luxe et de privilèges de cartels, et met en place un puissant système de bureaucratie centrale gouverné par des fonctionnaires appelés intendants. Leur rôle était de faire respecter le réseau de contrôles et de réglementations qu'il avait créé. 

Son système s'appuyait également sur des inspections, des recensements et des formulaires pour identifier les citoyens qui auraient pu s'écarter des réglementations de l'État. Les quartiers-maîtres ont utilisé un réseau d'espions et d'informateurs pour découvrir toute violation des restrictions et réglementations du cartel. De plus, les espions se surveillaient mutuellement. Les sanctions en cas d'infraction allaient de la confiscation et de la destruction de la production jugée « inférieure », à de lourdes amendes, à la ridiculisation publique et même à l'interdiction de la profession.

Colbert était également convaincu que le commerce international était un jeu à somme nulle. S'appuyant sur les idées du mercantilisme, il croyait que l'intervention de l'État était nécessaire pour s'assurer que davantage de ressources étaient conservées dans le pays. Le raisonnement est assez simple : pour accumuler de l'or, un pays doit toujours vendre plus de biens à l'étranger qu'il n'en achète. Colbert a cherché à construire une économie française qui vendait à l'étranger mais achetait chez elle. L'ensemble de mesures économiques de Jean-Baptiste Colbert était connu sous le nom de « colbertisme ».

Aujourd'hui, ce système est connu sous le nom de « protectionnisme », et est encore assez courant dans la pensée politique. En Europe, nous avons abandonné cette philosophie économique (bien que la Commission européenne accepte que certains États membres subventionnent leurs industries locales en temps de crise), mais en externe, l'UE a maintenu trois catégories de mesures protectionnistes :

Les droits de douane à travers le tarif extérieur commun,

Des normes de production qui imposent des coûts de convergence,

Subventions aux producteurs locaux, par le biais de la politique agricole commune (PAC)

La question est de savoir si ces mesures protègent réellement l'économie européenne. S'il faut remonter dans le temps pour expliquer les origines du protectionnisme, il faut aussi tirer quelques leçons du passé. Dans son Traité d'économie politique de 1841, l'économiste français Jean-Baptiste Say expliquait :

« L'importation de produits étrangers est favorable à la vente de produits indigènes ; car nous ne pouvons acheter des marchandises étrangères qu'avec les produits de notre industrie, de notre terre et de nos capitaux, auxquels ce commerce fournit donc un débouché. – C'est en argent, dira-t-on, que nous payons les marchandises étrangères. – Quand c'est le cas, notre sol ne produisant pas d'argent, il faut acheter cet argent avec les produits de notre industrie ; ainsi, que les achats effectués à l'étranger soient payés en marchandises ou en argent, ils offrent à l'industrie nationale des débouchés similaires.

Il est faux de considérer le commerce international, en particulier du point de vue du « déficit commercial », comme un jeu à somme nulle. L'idée que l'industrie devrait être ramenée en Europe, probablement par le biais de mesures commerciales, est également trompeuse. Il s'avère que la libéralisation des liens commerciaux est bénéfique tant pour les pays exportateurs que pour les pays importateurs : les ressources entrantes nous donnent l'opportunité d'améliorer notre situation économique. 

L'acte de commerce profite aux deux acteurs, et non à un seul. Croire que seul le vendeur gagne (parce qu'il gagne de l'argent) est un grave malentendu économique.

Certes, la crise du COVID-19 est très problématique, et on constate en effet une pénurie de certains matériels médicaux. Or, produire des gants et des masques en Europe ne sera pas économiquement viable et qui dit qu'il faudra les mêmes outils pour la prochaine crise sanitaire ? Cela nous montre une fois de plus l'erreur fatale de penser qu'il serait possible d'organiser la société et son économie par une planification centralisée gérée par l'État.

Comme le disait Jean-Baptiste Say dans ses ouvrages, pour (re)lancer l'activité économique, il faut supprimer les mesures qui nous ralentissent, dont la bureaucratie excessive et les impôts excessifs. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'entraver les échanges mais plutôt de permettre aux échanges de se multiplier.

Publié à l'origine ici.

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