La protection des marques n'est pas seulement une question d'économie, c'est aussi une question de droits de l'homme…
Les difficultés rencontrées par les usines d'Asie du Sud-Est ne sont pas nouvelles pour les consommateurs de médias européens. Des milliers de travailleurs sur tout le continent sont touchés par des conditions de vie et de travail défavorables, en particulier dans les usines qui fabriquent des produits contrefaits. En 2016, les contrefaçons représentaient 6,8% des importations de l'UE en provenance des pays tiers, selon l'OCDE et l'Office européen de la propriété intellectuelle EUIPO. La Chine reste de loin le plus grand producteur de produits contrefaits au monde, tout en ayant l'un des pires bilans en matière de droits de l'homme.
"Dispersés dans le cœur industriel de la Chine, des consultants bien connectés aident les propriétaires d'usines à bafouer les lois du travail pour produire des marchandises qui se retrouvent dans les rayons des magasins occidentaux bien connus", écrit le South China Morning Post, basé à Hong Kong, dans un article qui décrit la corruption et les abus qui entourent le marché des produits contrefaits.
En Europe, il existe un mécanisme qui permet la surveillance et la responsabilisation des sites de production. Non, je ne parle pas de comités politiques ou d'institutions gouvernementales, mais : de marques. La reconnaissance de la marque et la responsabilité des entreprises permettent aux démocraties occidentales et à leurs consommateurs de garder un œil sur les produits et services qu'ils souhaitent soutenir avec leurs euros durement gagnés. S'il s'avère qu'une entreprise technologique produit des micropuces dans des usines qui acceptent le travail des enfants, des heures de travail inhumaines ou des environnements de travail dangereux, elle sera réprimandée par l'opinion publique, la couverture médiatique et la perte de sa clientèle. En conséquence, les décisions d'entreprise sont prises pour chercher à empêcher que cela ne se produise à l'avenir. Cependant, les spécialistes du marketing de la contrefaçon renoncent à cette responsabilité, souvent en ternissant la réputation d'une marque existante.
C'est pourquoi les marques jouent un rôle essentiel pour distinguer les bons acteurs des mauvais. En Europe, nous avons régulièrement des conversations sur l'étiquetage, ignorant que les marques sont avant tout des étiquettes en elles-mêmes. Les marques de confiance se bâtissent une réputation sur la responsabilité, quelque chose qu'elles ont l'intention légitime de protéger. Lorsqu'il s'agit de lutter contre la contrefaçon, les consommateurs, les producteurs et les acteurs gouvernementaux doivent être du même côté.
Bien que l'éradication des produits contrefaits n'élimine pas l'injustice, il s'agit d'un tremplin crucial dans la lutte contre le crime organisé. En dehors de la situation des ouvriers d'usine, les contrefaçons sont souvent liées à des organisations criminelles de la pire espèce. Un rapport de 2015 par l'Union française pour la production industrielle souligne que 20 % des ventes illicites de cigarettes financent le terrorisme international (selon le Centre d'analyse du terrorisme français en 2015). Ce nombre a été filtré sur un nombre total de 75 poursuites internationales impliquant une contrefaçon à grande échelle de produits du tabac.
Les éléments réalisables à prendre en compte sont vastes, mais avant tout, nous devons placer la lutte contre la contrefaçon en tête de liste des priorités des accords commerciaux dans le monde. Si nous cherchons à lutter contre le crime organisé, nous devons le faire avec nos partenaires commerciaux et non contre eux. Il est important de noter qu'il ne s'agit pas d'une voie à sens unique : lutter contre ces mauvais acteurs, c'est aussi s'opposer au caractère parasitaire de la corruption et de la fraude qui affligent autant les pays hôtes de ces organisations que ceux qui importent les marchandises.
Enfin, les contrefaçons représentent une menace active pour la santé. L'UE est inondée de faux produits de consommation. Selon un rapport annuel de la Commission européenne, il y a eu 2 253 alertes de produits dangereux sur le marché de l'UE en 2020, dont 10% étaient liées au COVID-19, comme par exemple les masques et les désinfectants pour les mains. De manière comique, la Commission Didier Reynders a brandi un singe en peluche lors d'une conférence de presse à Bruxelles, pour souligner que les faux jouets pour enfants représentent également une menace importante pour la santé des plus vulnérables de la société : les enfants.
La contrefaçon n'a pas sa place sur un marché mature. L'UE devrait intensifier son jeu pour trouver plus d'alliés dans son approche visant à éradiquer les produits contrefaits, afin que moins de consommateurs soient escroqués ou mis en danger.
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