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Pourquoi la SNCF augmente ses prix tandis que sa concurrence, qui doit aussi payer ses trains, son personnel et son énergie, réduit les siens ?

Les associations d'usagers de Normandie ont déjà exprimé leur mécontentement concernant les tarifs des trains, suite à la hausse moyenne de 6% mise en place pour 2023. De plus, il a été annoncé qu'il y aurait une augmentation supplémentaire en 2024« On est toujours dans un contexte inflationniste et la convention qu'on vient de signer avec SNCF pour dix ans prévoit qu'on paie des augmentations tarifaires», explique Jean-Baptiste Gastinne, le vice-président de la région de Normandie.

Bien que la libéralisation du réseau ferroviaire soit devenue une loi par le biais d'une directive de l'Union européenne, de nombreux Etats membres de l'UE ont traîné les pieds pour la mettre en œuvre.

Les opérateurs ferroviaires privés ne parviennent pas à s'intégrer correctement dans le réseau ferroviaire et à concurrencer la SNCF. Sur la ligne Paris-Lyon, l'opérateur public italien Trenitalia a montré qu'il était possible de réduire le coût du réseau TGV et d'améliorer l'efficacité de la ligne.

En général, les réseaux SNCF vont augmenter les prix des TGV de 7,6% en 2024, ceux des TER de 8%. Les trains OUIGO et les Intercités auront un gel des prix, qui ont déjà bien augmenté en 2023. Cependent, Trenitalia a annoncé une baisse des prix à venir. Un rapport de l'Autorité de régulation des transports en 2022 a montré que les régions françaises qui ont adopté la concurrence ont vu leurs services, en termes de fréquence et de qualité, s'améliorent considérablement, avec des coûts réduits de 25% en moyenne. Comment se fait-il que la SNCF augmente ses prix tandis que sa concurrence, qui doit elle aussi payer ses trains, son personnel et son énergie, réduit les siens ?

La réponse se trouve dans le choix des consommateurs.

Il est vrai que sur les grandes lignes comme Paris-Lyon, les consommateurs ont un ensemble de choix, et pas seulement au sein du rail. Il s'agit d'une distance que l'on peut parcourir avec sa propre voiture, une voiture de location ou même en covoiturage ; on peut utiliser un service de bus longue distance ou même prendre l'avion (malgré l'interdiction des vols directs, il serait possible de voler de Lyon à Paris avec une correspondance à l'étranger). Cela dit, des millions de Français n'ont pas le luxe de ces options et dépendent trop souvent des services de la SNCF pour aller d'un point A à un point B, soit parce que c'est le seul service qui les relève, soit simplement parce que c'est de loin le seul efficace.

Tant qu'il en sera ainsi, les usagers seront dépendants de la SNCF. Les prix de l'entreprise ferroviaire publique n'augmentent pas parce que la SNCF ne se soucie pas de rivaliser avec Trenitalia sur la ligne Paris-Lyon, mais parce qu'elle ne DOIT pas s'en soucier dans de nombreuses autres régions.

L'Italie est l'exemple même d'un pays qui connaît les avantages de la concurrence ferroviaire. Lorsque Rome a ouvert son réseau ferroviaire à grande vitesse aux concurrents privés, Trenitalia, l'entreprise publique, a dû redoubler d'efforts, améliorant ses prix et ses services. Cela a pris du temps, mais les liaisons ferroviaires dépassent aujourd'hui de loin les liaisons aériennes sur de nombreux itinéraires. En fait, on pourrait dire que les difficultés de l'ancienne compagnie Alitalia, aujourd'hui ITA Airways (qui est en cours de rachat par Lufthansa), sont dues au fait que de nombreux vols intérieurs en Italie ont été rendus inutiles par la concurrence. ferroviaire.

Dans de nombreux Etats membres, les marchés publics pour l'exploitation des chemins de fer sont attribués aux entreprises publiques en place, qui garantissent ensuite l'exploitation des lignes pour ces entreprises pendant parfois dix années supplémentaires. Cela signifie que les opérateurs ferroviaires privés, ou les concurrents étrangers, qu'ils soient privés ou publics, ne peuvent pas mettre un pied dans la porte.

En outre, certains pays entretiennent des relations complexes entre les compagnies ferroviaires, les infrastructures ferroviaires et les gares qui, dans certains cas, appartiennent à une société du même nom, mais sont censées fonctionner de manière indépendante. ALLRAIL, l'association professionnelle représentant les opérateurs ferroviaires privés, s'est plainte du fait que le gouvernement allemand ne subventionne pas l'infrastructure ferroviaire, mais la Deutsche Bahn (DB). Cependant, cela conduit à une situation où la DB peut utiliser ces subventions pour ses filiales, y compris le transport ferroviaire de marchandises sur des continents autres que l'Europe, au lieu de se contenter d'améliorer le réseau ferroviaire.

La Commission européenne a obligé les Etats membres à ouvrir leurs chemins de fer à la concurrence, mais comme pour de nombreuses directives, le diable se cache dans les détails. Les défis sont nombreux sur la route qui mène à un marché ferroviaire compétitif pour les citoyens européens. La concurrence en libre accès sera probablement contrariée par le lobbying des compagnies ferroviaires en place.

Publié à l'origine ici

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