Les Maldives, mondialement réputées pour leurs eaux turquoise et leurs complexes hôteliers de luxe, prennent une mesure audacieuse qui pourrait avoir des conséquences désastreuses : une interdiction générationnelle du tabac. Le Parlement a approuvé à une écrasante majorité une loi interdisant la vente, l'achat et la consommation de produits du tabac pour toute personne née à compter du 1er janvier 2007. Si elle est ratifiée par le président, le Dr Mohamed Muizzu, la loi entrera en vigueur le 1er novembre 2025.
Sur le papier, cette mesure semble progressiste et soucieuse de la santé. En réalité, elle risque d'entraîner l'île dans un univers économique et social dominé par la contrebande, la corruption et le crime organisé, avec le tourisme et la sécurité publique pris entre deux feux.
Une interdiction trop loin ?
Le tabac est indéniablement nocif. Mais la prohibition, surtout ciblée et générationnelle, produit rarement les résultats escomptés. Au contraire, elle crée souvent une société à deux vitesses : une société où les adultes nés avant une certaine date peuvent légalement fumer, tandis que les jeunes générations sont criminalisées pour le même acte. Cette ligne juridique arbitraire nourrit le ressentiment et crée un terreau fertile pour l'exploitation du marché noir.
Les Maldives sont déjà une société très contrôlée en matière de nicotine. Le vapotage, souvent perçu ailleurs comme un outil de réduction des risques, est déjà interdit. Avec l'interdiction générationnelle du tabac qui approche, le pays risque de priver une partie croissante de la population de tout accès légal aux produits à base de nicotine, sans proposer d'alternatives plus sûres et légales.
Mine d'or du marché noir
Là où il y a une demande, l'offre suivra, légale ou non. Alors qu'un tiers de la population est déjà soumise à la nouvelle restriction, un marché illégal du tabac est non seulement probable, mais inévitable. Et dans un pays dépendant du tourisme et réparti sur des centaines d'îles, faire respecter cette interdiction sera un véritable cauchemar logistique.
Les vastes frontières maritimes poreuses des Maldives offrent un environnement idéal à la contrebande. Les cigarettes et les cigarettes électroniques, déjà interdites, sont petites, à forte marge et faciles à transporter. Une fois la prohibition entrée en vigueur, les réseaux criminels pourraient rapidement combler le vide, utilisant les Maldives comme plaque tournante de la distribution régionale.
Et la prohibition ne se limite pas à la contrebande. Le crime organisé prospère dans l'ombre des produits interdits. Lorsque le tabac devient clandestin, la corruption, le blanchiment d'argent et même la violence s'ensuivent souvent.
Impact sur le tourisme
Le tourisme est le pilier économique des Maldives. Tout ce qui engendre l'instabilité ou compromet la réputation du pays constitue une menace. Un marché noir florissant, alimenté par le crime organisé et la répression policière, ne correspond pas exactement à l'image de carte postale de plages paisibles et de lagons cristallins. Les touristes ne souhaitent pas passer leurs vacances dans un endroit qui fait la une des journaux internationaux pour ses guerres intestines ou ses vastes opérations de contrebande.
De plus, les visiteurs du monde entier, y compris les fumeurs, contribuent significativement à l'économie touristique. Une politique hyper restrictive en matière de nicotine peut être perçue comme peu accueillante ou trop moralisatrice, surtout lorsqu'elle est combinée aux interdictions de vapotage existantes.
Les leçons de l'histoire
Nous avons déjà vécu cette situation. La prohibition de l'alcool aux États-Unis dans les années 1920 a conduit à l'essor d'empires du crime organisé. Plus récemment, des lois antidrogue trop strictes dans plusieurs pays ont alimenté le marché noir sans pour autant endiguer la consommation. Les Maldives feraient bien d'étudier ces récits édifiants.
Une politique de santé publique efficace ne repose pas sur des interdictions strictes. Elle encourage l'éducation, la réduction des risques et les systèmes de soutien. Si l'objectif est de réduire le tabagisme, il existe des moyens plus équilibrés et fondés sur des données probantes pour y parvenir, sans risquer de transformer le paradis en champ de bataille pour la contrebande.
Une meilleure voie à suivre
Au lieu d'une interdiction générationnelle pure et simple, les Maldives devraient investir dans une solide éducation des jeunes, un meilleur soutien au sevrage tabagique et des solutions de réduction des risques, notamment des produits de vapotage réglementés. Des approches intelligentes, plutôt que l'interdiction, se sont révélées plus prometteuses pour réduire les taux de dépendance à long terme tout en évitant l'escalade des activités criminelles.
En essayant de protéger les générations futures, les Maldives risquent de les exposer à une réalité plus sombre : une réalité où les cigarettes circulent encore, mais seulement entre les mains de ceux qui profitent le plus de l’illégalité.
Ne transformons pas un rêve tropical en cauchemar de l’époque de la prohibition.


