L'accent mis par l'administration Trump sur les drogues illicites a placé l'activité des cartels mexicains au Canada sous la loupe. Cette analyse révèle que l'activité des cartels au Canada est un problème croissant et qu'elle s'est aggravée au cours des deux dernières décennies. Une étude de cas portant sur des saisies de drogue au Canada, grandes et petites, révèle clairement que les principaux produits transportés par ces organisations sont le fentanyl, les drogues illicites (cocaïne et méthamphétamine) et le tabac illégal. Une estimation prudente de la taille du marché illicite de ces produits s'élève à 1 426 720 milliards de dollars canadiens par an. Non seulement le marché est-il important pour ces produits, mais leur distribution se déplace vers les marchés et les détaillants en ligne, facilitée par de grandes institutions financières (banques, sociétés émettrices de cartes de crédit, Interac), et livrée directement aux acheteurs par Postes Canada. Le Canada ayant inscrit les cartels mexicains sur la liste des organisations terroristes, les conséquences potentielles pour ces institutions sont importantes.
Le Canada est-il confronté à un problème avec les activités des cartels mexicains à l'intérieur de ses frontières ? Cette question est au cœur des préoccupations, l'administration Trump justifiant les tarifs douaniers par le flux de drogues illicites du Canada vers les États-Unis.
Peter Navarro, haut responsable de l'administration Trump, est allé jusqu'à dire ce « Le Canada a été pris d'assaut par des cartels mexicains. » Bien que ce commentaire soit a priori faux, il soulève la question de l'ampleur de l'activité des cartels mexicains au Canada, d'autant plus qu'en avril, les États-Unis ont Financier Le Crimes Enforcement Network (FinCEN) a signalé 1,4 milliard de livres sterling de transactions suspectes liées au fentanyl, désignant le Canada, la Chine, le Mexique et l'Inde comme des points de contact clés pour la production et le blanchiment à l'échelle mondiale.
Il est également important de souligner que, même si les commentaires de M. Navarro sont exagérés, l’ampleur et la portée du problème sont suffisamment importantes pour qu’en février 2025, le Canada désigne sept organisations criminelles transnationales. cinq étant des cartels mexicains, en tant qu'organisations terroristes.
Avant les années 2000 :
Les cartels mexicains comme Sinaloa et Arellano Felix avaient une activité limitée au Canada, principalement par le biais de liens indirects avec des groupes comme les Hells Angels en Colombie-Britannique, tandis que le crime organisé canadien était dominé par les mafias traditionnelles et les gangs de motards.
Années 2000 :
En 2009, Vancouver est devenue une plaque tournante clé pour les cartels mexicains, notamment ceux de Sinaloa, grâce à son accès portuaire. Après la mort du chef mafieux Vito Rizzuto en 2013, les cartels se sont alliés à des groupes émergents comme le Wolfpack. Leurs activités se sont étendues à la cocaïne, à la méthamphétamine, au fentanyl et à la contrebande transfrontalière.
Années 2010 :
Sinaloa a accru son influence dans l'est du Canada, tandis que CJNG et les Zetas ont gagné du terrain dans l'ouest. Les cartels ont eu recours à des travailleurs migrants et exploité les ports canadiens pour s'approvisionner en précurseurs de fentanyl en provenance de Chine. La violence a augmenté, et certains criminels canadiens ont traité directement avec les cartels au Mexique. Un examen de l'ASFC en 2019 a confirmé une présence modeste, mais réelle, liée aux cartels.
Années 2020 :
Des cartels comme Sinaloa et CJNG se sont implantés au Canada, impliqués dans le trafic, le blanchiment et la contrebande. En 2024, la GRC a démantelé un « super laboratoire » de méthamphétamine de type cartel en Colombie-Britannique, marquant ainsi un virage vers la production locale de drogue.
Le commerce illicite au Canada est de plus en plus influencé par le trafic de fentanyl, de drogues traditionnelles comme la cocaïne et la méthamphétamine, et de tabac de contrebande, souvent coordonné par des groupes criminels nationaux et des cartels mexicains. Le fentanyl, principale cause de la crise des opioïdes au Canada, est désormais principalement produit au pays. Des arrestations de la GRC en 2024 ont révélé la présence de superlaboratoires capables de fabriquer des millions de doses. Les saisies effectuées partout au pays mettent en évidence à la fois la production locale et la croissance des exportations vers les États-Unis et l'Australie, malgré les efforts des forces de l'ordre. La consommation de cocaïne demeure répandue, en particulier chez les jeunes adultes en milieu urbain, le Canada se classant parmi les pays où la consommation par habitant est la plus élevée au monde.
La consommation de méthamphétamine est concentrée dans l'Ouest canadien, alimentée par des laboratoires industriels liés au crime organisé. Parallèlement, le tabac illicite – qui représente jusqu'à 401 TP3T de la consommation de cigarettes dans des provinces comme l'Ontario et le Québec – est en grande partie produit dans les réserves et introduit en contrebande à l'étranger.
Le commerce du tabac à lui seul est estimé à plus de 142 milliards de livres sterling par an, coûtant des milliards de dollars en recettes fiscales aux provinces. Il est prouvé que les cartels utilisent ce commerce pour financer des opérations criminelles plus vastes, notamment le trafic de drogue et d'armes. Ensemble, ces marchés illicites forment un écosystème transnational complexe, qui pose de graves problèmes de santé publique, de sécurité et de gouvernance.
Au Canada, les marchés des drogues illicites se déplacent de plus en plus vers le Web, stimulés par les drogues synthétiques comme le fentanyl. Ces plateformes numériques imitent les sites de commerce électronique légaux, offrant une livraison discrète par Postes Canada ou par messagerie privée et acceptant les paiements par virement électronique ou par carte de crédit. Les ventes en ligne offrent anonymat, commodité et portée plus large, attirant les utilisateurs et permettant aux groupes du crime organisé (GCO) de contourner les revendeurs de rue. Un rapport de 2022 de Sécurité publique Canada souligne l'utilisation par les GCO des médias sociaux, du Web clandestin et des plateformes chiffrées pour réduire les risques et maintenir leurs activités même sous la pression des forces de l'ordre.
Ces plateformes vendent également du tabac et des produits de vapotage illicites. En voici quelques exemples :
Fournitures pour le Dark Web: Vend de la cocaïne, de la méthamphétamine, du tabac illégal, du cannabis, des vapoteuses ; expédie via Postes Canada avec des paiements par carte de crédit ou par virement électronique.
Cosmiq: Propose de la cocaïne, du LSD, de la MDMA, des produits comestibles au cannabis et plus encore ; payés par virement électronique avec des allégations « testées en laboratoire ».
MoonHaus: Vend des psychédéliques et du tabac illégal ; accepte Bitcoin, PayPal et d'autres paiements.
Acheter de la MDMA au Canada: Propose de la MDMA, de la kétamine, du LSD, du tabac illégal ; virement électronique uniquement.
Acheter des psychédéliques au Canada:Répertorie les psychédéliques, les produits de vapotage et le tabac; expédié discrètement via Postes Canada.
Les cartels mexicains étant désormais considérés comme des organisations terroristes au Canada, la vente de drogues liées à ces cartels sur des plateformes en ligne soulève de graves préoccupations juridiques. En vertu du Code criminel, quiconque soutient sciemment un groupe terroriste – notamment par le biais de services financiers, d'expédition ou de paiements en ligne – s'expose à de lourdes sanctions, pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité. Cette disposition s'applique non seulement aux détaillants, mais potentiellement aux banques, aux sociétés émettrices de cartes de crédit, à Interac et à Postes Canada, qui facilitent toutes ces transactions.
Des articles comme 83.18 (participation), 83.19 (facilitation), 83.2 (commettre des infractions pour un groupe terroriste) et 83.08 (recours à des biens appartenant à des terroristes) pourraient être invoqués. Les institutions financières et les plateformes acceptant des paiements publics (p. ex., virements électroniques ou traitement de cartes de crédit) sont censées agir, surtout lorsque les adresses courriel des fournisseurs sont publiquement répertoriées. Le rôle continu de Postes Canada dans l'expédition de ces produits en fait également un important facilitateur du commerce illicite.
Bien qu'il ne soit pas vrai que « Le Canada a été pris en charge par des cartels mexicains », comme l'ont suggéré de hauts responsables de Trump. Il est clair que l'activité des cartels au Canada consiste à déplacer des produits spécifiques vers les marchés en ligne et à accroître leur présence au Canada. L'accent mis par l'administration Trump sur les activités criminelles, et ses allégations, peuvent être résumés par la réponse de l'ancien ministre fédéral Jason Kenney :
« Oui, nous devons en faire davantage pour lutter contre les gangs de motards, les triades chinoises, les cartels mexicains, les réseaux de contrebande et les réseaux illégaux qui opèrent dans certaines réserves des Premières Nations, etc. Nous devons mettre fin à l’expérience ratée de la légalisation des drogues dures, accroître les ressources et les inspections de l’ASFC, mettre fin au système judiciaire à portes tournantes des libéraux, resserrer la porosité de la frontière américaine contre les importations d’armes à feu et de drogues, etc. Mais prétendre que « le Canada a été pris en charge par les cartels mexicains » est évidemment et totalement ridicule. »
Le nouveau gouvernement libéral devra s'attaquer sérieusement au problème des cartels et des produits dont ils tirent profit, non seulement pour nos relations avec les États-Unis, mais aussi pour la sécurité publique d'un océan à l'autre. Les institutions financières impliquées et Postes Canada devront également faire leur part pour lutter contre ces transactions, faute de quoi des accusations criminelles liées au terrorisme pourraient paralyser leurs activités.
Responsable des affaires nord-américaines
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