L'élimination progressive de la gestion de l'offre avec un plan de transition est juste pour les producteurs, aide le Canada à adopter le commerce et réduit les prix des aliments essentiels
Le mois dernier, quelque chose de rare s'est produit à la Chambre des communes. Les députés de tous les partis se sont unanimement entendus sur quelque chose. Malheureusement pour les consommateurs canadiens, ils se sont mis d'accord sur la première lecture de Projet de loi C-216, un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le Bloc québécois pour protéger les agriculteurs soumis à la gestion de l'offre de toute concession dans les futurs accords commerciaux.
La gestion de l'offre est, bien sûr, le système de quotas et de tarifs qui limite la production nationale de produits laitiers, de poulet, de dinde et d'œufs et décourage les importations via des tarifs élevés, produisant ainsi moins de choix et des prix plus élevés pour les consommateurs. L'approbation du projet de loi signifierait que tout futur accord commercial - avec le Royaume-Uni après le Brexit, par exemple - serait détourné si nos homologues demandaient des concessions dans ces domaines. C'est un film que nous avons déjà vu. La gestion de l'offre était un énorme problème dans la renégociation de l'ALENA, maintenant l'USMCA, et a retardé notre conclusion de l'accord Canada-Europe (CETA). Que les députés se menottent pour protéger ce système au détriment des futurs accords commerciaux est ahurissant.
Pourquoi? Parce que les arguments en faveur de la gestion de l'offre reposent sur un terrain très fragile. Partisans argumenter que l'industrie laitière du Canada fonctionne sans subventions gouvernementales, c'est pourquoi il est approprié d'avoir des tarifs massifs sur les importations étrangères. Oui, il est vrai que les producteurs laitiers américains reçoivent le soutien des contribuables grâce au tristement célèbre Farm Bill. Mais la gestion de l'offre elle-même équivaut à une subvention — une subvention qui, comme Fondation Canada Ouest souligne, est entre 3,5 et sept fois plus précieux que les subventions laitières américaines actuelles.
Même si nous devions protéger nos agriculteurs contre les subventions injustes d'autrui, cet argument ne s'appliquerait pas aux importations de produits laitiers en provenance de Nouvelle-Zélande, qui ne bénéficie d'aucune subvention agricole. Pour les pays qui subventionnent leurs producteurs laitiers, nous pourrions uniformiser les règles du jeu en faisant simplement en sorte que nos tarifs compensent leur subvention, ce qui, dans le cas des produits laitiers américains, signifierait une réduction drastique des tarifs par rapport à leurs niveaux actuels.
Une autre allégation courante est que la gestion de l'offre protège la ferme familiale. Pas si. Lorsque le système a été mis en place dans les années 1970, il y avait plus de 100 000 fermes laitières au Canada. Aujourd'hui, il y en a moins de 11 000. Cela ne prouve pas que la gestion de l'offre a décimé les fermes familiales, mais cela montre clairement que notre secteur soumis à la gestion de l'offre a été tout aussi susceptible de se regrouper que le reste de l'agriculture.
L'affirmation la moins crédible des partisans de la gestion de l'offre est probablement que sa suppression détruirait l'industrie laitière canadienne, car un flot de lait importé bon marché, principalement américain, saperait les producteurs canadiens et mettrait nos agriculteurs à la faillite. Curieusement, cet argument est avancé par les mêmes personnes qui prétendent que la gestion de l'offre ne gonfle pas artificiellement les prix. L'industrie de façon régulière affirme que le lait étranger n'est pas moins cher que le lait canadien.
Vous vous souvenez peut-être du chat de Schrödinger de la physique quantique, qui était à la fois vivant et mort en même temps. Ici, nous avons la "vache laitière de Schrödinger". Si les importations ne sont pas moins chères que le lait canadien, quelle menace représentent-elles en termes de sous-cotation des producteurs canadiens? Des recherches évaluées par des pairs montrent, au contraire, que la gestion de l'offre gonfle artificiellement les prix pour les consommateurs canadiens, ajoutant à partir de $500 à la facture d'épicerie d'une famille moyenne chaque année, ce qui à son tour pousse entre 133 000 et 189 000 Canadiens sous le seuil de la pauvreté.
Alors, est-ce que l'élimination de la gestion de l'offre signifierait la fin de l'industrie canadienne? Pas nécessairement, selon les recherches de Colin Carter et Pierre Mérel publiées dans le Revue canadienne d'économie. L'élimination de la gestion de l'offre signifierait plus de concurrence pour les producteurs laitiers, mais cela signifierait également plus de possibilités d'exportation à l'étranger. Avec la mondialisation qui a sorti des centaines de millions de personnes dans le monde de la pauvreté et les a intégrées à la classe moyenne, la demande pour ces produits a augmenté. Consommation de laitier, poulet et œufs ont tous augmenté au cours de la dernière décennie en raison de la nouvelle demande de la classe moyenne mondiale qui ne devrait que se poursuivre. De nouveaux accords commerciaux permettraient aux agriculteurs canadiens de vendre leurs produits à ce nouveau groupe de consommateurs, ce qui a amené ces chercheurs à conclure que « la gestion de l'offre pourrait ne plus être bénéfique pour les producteurs nationaux de produits soumis à la gestion de l'offre ».
Plutôt que d'empêcher les accords commerciaux de préserver la gestion de l'offre, nous devrions signer des accords commerciaux qui l'effritent. Nos relations commerciales en profiteraient, mais surtout, tous les consommateurs canadiens en profiteraient. Si nous devons indemniser les agriculteurs pour les quotas pendant la transition, qu'il en soit ainsi. Nous avons déjà fait passer d'autres industries de la protection à la concurrence, comme le vin canadien lorsque nous avons cherché pour la première fois à conclure un accord de libre-échange avec les États-Unis. En fait, réformer et compenser, c'est ce que le gouvernement Harper lors de la négociation de l'AECG et le gouvernement Trudeau lors de la négociation de l'ALENA ont fait pour les producteurs laitiers, même s'ils ont trop payé en compensation et n'ont pas été à la hauteur de l'accès au marché.
L'élimination complète de la gestion de l'offre avec une compensation modeste et un plan de transition est juste pour les producteurs, aide le Canada à adopter le commerce et fait baisser les prix des produits alimentaires essentiels.
C'est une bonne politique. Les députés devraient l'accepter, et non s'y opposer sans réfléchir.
Publié à l'origine ici.