Si le sénateur Patrick Brazeau obtient gain de cause, la prochaine fois que vous irez acheter une bière au dépanneur du coin avant le match de hockey, elle pourrait bien porter une étiquette d'avertissement détaillant les risques de cancer.
Voilà ce qui pourrait se produire si le projet de loi S-202, la plus récente proposition de loi de Brazeau, est adopté par le Parlement. Ce projet de loi vise à apposer des étiquettes d'avertissement concernant le cancer sur les emballages d'alcool.
Qu'est-ce qui motive cette initiative ?
Brazeau semble fonder ses affirmations sur défectueux Le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCSA) insiste sur le fait qu’il n’existe « aucun niveau de consommation sans risque » en matière d’alcool.
Ces affirmations reposent sur des données qui montrent une augmentation du risque de cancer tellement infime qu'il faut une loupe pour la lire. Par exemple, un homme qui consomme deux boissons alcoolisées par jour présente un risque accru de cancer de 0,1 %.
Pour une telle augmentation du risque, peut-on vraiment justifier l'apposition d'étiquettes d'avertissement concernant le cancer sur les canettes de bière ?
Presque toutes les activités comportent un risque accru.
Les conducteurs courent un risque accru de décès par rapport à ceux qui ne conduisent pas. Les nageurs courent un risque accru de noyade par rapport à ceux qui ne nagent pas.
Bien sûr, la consommation d'alcool comporte certains risques. Mais apposer ce genre d'avertissement alarmiste sur chaque canette de bière et chaque bouteille de vin, en se basant sur les données de l'ACSC, marquerait le début d'une nouvelle ère d'État paternaliste au Canada.
Une augmentation du risque de 0,1 % ne constitue pas une crise de santé publique. Apposer des étiquettes d'avertissement concernant le cancer sur chaque bouteille d'alcool laisserait entendre le contraire.
Soyons clairs : consommer deux verres d’alcool par jour n’est pas comparable au fait d’être un fumeur régulier. Ce n’est pas un hasard si les paquets de cigarettes comportent des avertissements relatifs au cancer : il est prouvé que fumer régulièrement représente un véritable danger pour la santé publique.
Si vous fumez régulièrement, vous courez un risque accru de développer certains cancers. 2,400%En traitant l'alcool de la même manière que les cigarettes, ce que ferait l'apposition d'étiquettes d'avertissement sur le cancer sur les bouteilles d'alcool, l'État minimiserait les dangers du tabagisme.
Cela nuirait tellement à la crédibilité des avertissements de santé publique qu'il la rendrait intenable.
Les faits montrent également que la consommation modérée d'alcool peut améliorer certains aspects de la santé.
Par exemple, les hommes qui consomment deux boissons alcoolisées par semaine présentent un risque moindre de cardiopathie ischémique, une maladie qui tue plus de Canadiens que tous les cancers cités dans l'étude de l'ACSC réunis.
En suivant la logique de Brazeau, il serait plus judicieux d'apposer des étiquettes sur l'alcool reconnaissant son impact positif sur les maladies cardiaques en cas de consommation modérée plutôt que des étiquettes mettant en garde contre les risques de cancer.
Vu la piètre qualité des preuves, on est en droit de se demander pourquoi Brazeau agit ainsi.
Selon ses propres termes, il s'agit de son expérience personnelle avec l'alcool.
« Cela ruine des vies. » a dit Brazeau. « Ça tue des gens. Ce n'est certainement pas bon pour la santé mentale. Et personnellement, vous savez, ça m'a entraîné sur un chemin très, très, très sombre, si sombre que je voulais juste mettre fin à mes jours. »
Il semblerait que Brazeau veuille apposer des avertissements sanitaires sur les bouteilles d'alcool en raison de ses propres difficultés. Le fait qu'un sénateur ait eu du mal à consommer de l'alcool avec modération ne justifie pas que tout le pays s'alarme et s'inquiète d'une crise sanitaire inexistante qui compromettrait l'intégrité de l'ensemble du système de santé publique.
Brazeau peut à juste titre être fier d'avoir surmonté ses propres démons. Mais son parcours personnel ne devrait pas influencer les décisions en matière de politique de santé publique.
Les politiques de santé publique doivent reposer sur des données probantes. Lorsqu'on avertit le public qu'un facteur peut accroître le risque de cancer, ce risque accru doit être clairement défini et constituer une menace réelle pour la santé publique.
Les statistiques ne confirment tout simplement pas ce lien entre l'alcool et le cancer.
Le projet de loi de Brazeau est malavisé et a été présenté au Sénat pour des raisons personnelles. Les sénateurs devraient examiner attentivement les preuves, constater clairement que ce projet de loi est erroné et le rejeter s'il est mis aux voix.
Publié à l'origine ici