Le conflit des télécommunications au Canada s'intensifie

Les Canadiens souhaitent davantage de concurrence en matière d'accès à Internet et de prix. Mais Ottawa tente peut-être de les en empêcher.

Voici le problème : dans la plupart des régions du pays, les consommateurs n’ont le choix qu’entre deux principaux fournisseurs d’accès Internet.

Le CRTC, l'organisme canadien de réglementation des télécommunications, soutient depuis longtemps qu'il est dans l'intérêt des consommateurs de permettre la concurrence interrégionale. Cela encouragerait davantage de grands fournisseurs d'accès Internet régionaux canadiens à participer aux marchés d'autres régions du pays.

C'est une mesure que le Bureau de la concurrence a également préconisée.

À cette fin, le CRTC a récemment confirmé une décision exigeant que les grandes entreprises Internet partagent leurs réseaux de fibre optique avec d’autres, l’accès des concurrents étant vendu à des prix déterminés par l’organisme de réglementation des télécommunications.

Le partage des réseaux faciliterait la concurrence et contribuerait en fin de compte à faire baisser les prix pour les consommateurs.

Cette décision initiale du CRTC a été prise il y a quelques années. Mais Bell, grâce à des manœuvres corporatives, a déposé une requête auprès du Cabinet et a réussi à obtenir du gouvernement fédéral, en novembre 2024, qu'il ordonne au CRTC de reconsidérer cette directive favorable à la concurrence.

Bell a prétendu que sa décision visait à protéger les petites entreprises et à améliorer l'accès aux télécommunications pour les Canadiens. Mais en réalité, si le CRTC avait statué en faveur de Bell, les duopoles qui existent dans la plupart des marchés canadiens auraient été consolidés.

Du point de vue du consommateur, il est formidable que le CRTC n’ait pas cédé au lobbying de Bell, car cela aurait constitué une interprétation erronée de la politique de concurrence.

La décision du CRTC de maintenir sa décision initiale est techniquement temporaire : une décision finale doit encore être prise, le débat n'est donc pas clos. En fait, Telus vient de déposer une requête devant les tribunaux, alléguant qu'Ottawa retient intentionnellement des documents de lobbying.

Selon la motion, Ottawa cache délibérément des documents et des activités de lobbying à l’examen du public, ce qui démontre un manque de transparence sur la façon dont sa directive visant à amener le CRTC à reconsidérer sa décision initiale en faveur de la concurrence a été prise.

La requête cite quelques motifs de révision, dont deux portent sur l'équité procédurale, ou plutôt son absence. Premièrement, Telus soutient qu'il y a eu des dizaines de réunions à huis clos entre le cabinet du ministre de l'Innovation, François-Philippe Champagne, et ses concurrents, ce qui contrevient potentiellement aux dispositions de la Loi sur les télécommunications relatives à un examen et une réponse équitables. Elle soutient également que le ministre n'a pas consulté adéquatement ses homologues provinciaux, comme l'exige l'article 13 de la Loi sur les télécommunications.

Essentiellement, Telus veut que Champagne produise les documents en sa possession, et Ottawa s'y oppose. Si la transparence gouvernementale vous tient à cœur, c'est très inquiétant. Le défaut de produire les documents soustrait la décision à un contrôle judiciaire approprié et suscite des soupçons d'iniquité procédurale et, en fin de compte, de motivations d'Ottawa.

Ce litige est problématique, car le gouvernement actuel n'a pas toujours fait preuve de transparence dans son processus décisionnel. La liste est longue, mais elle comprend notamment les accusations d'ingérence politique dans l'affaire SNC-Lavalin, les contrats à fournisseur unique dans le scandale We Charity, le report de la publication de rapports financiers clés en 2024, comme le rapport financier annuel, la prise de décision concernant le recours à la Loi sur les mesures d'urgence, la comptabilité et la transparence défectueuses concernant l'aide financière en cas de pandémie, et l'érosion générale du système d'accès à l'information du Canada.

Dire qu’Ottawa, sous ce gouvernement, a un problème de transparence est un euphémisme.

Au-delà de la transparence, la pression exercée par Ottawa pour que le CRTC reconsidère sa position ne pouvait pas tomber à un pire moment. Les menaces tarifaires du président américain Donald Trump pourraient bientôt bouleverser l'économie. Alors que l'élimination des barrières commerciales interprovinciales est de plus en plus importante, pourquoi Ottawa s'efforcerait-il simultanément d'ériger des murs virtuels autour du secteur canadien des télécommunications et de consolider les duopoles et le manque de choix qui en découle pour les consommateurs ?

Ce n’est pas non plus ce que souhaitent les consommateurs, les sondages montrant que la grande majorité des Canadiens soutiennent la décision du CRTC de permettre la concurrence interrégionale et que près des deux tiers des Canadiens remettraient en question l’engagement d’Ottawa en matière d’abordabilité s’il limitait le choix d’Internet.

En ce moment, nous avons une étrange directive d’Ottawa, allant à l’encontre de l’esprit de compétition, masquée par un voile de secret, et qui devrait inquiéter à peu près tout le monde.

Publié à l'origine ici

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